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LES ROUGON-MACQUART.

versa en riant, en parlant haut à sa mère, sans se soucier le moins du monde de tous ces hommes, en bas, qui la dévisageaient.

Rougon, lentement, avant de laisser retomber ses paupières, avait fait le tour des tribunes, où son large regard enveloppa à la fois madame Bouchard, le colonel Jobelin, madame Correur et les Charbonnel. Son visage demeura muet. Il remit son menton dans le collet de son habit, les yeux à demi refermés, en étouffant un léger bâillement.

— Je vais toujours lui dire un mot, souffla M. Kahn à l’oreille de M. Béjuin.

Mais, comme il se levait, le président qui, depuis un instant, s’assurait que tous les députés étaient bien à leur poste, donna un coup de sonnette magistral. Et, brusquement, un silence profond régna.

Un monsieur blond était debout au premier banc, un banc de marbre jaune, à tablette de marbre blanc. Il tenait à la main un grand papier, qu’il couvait des yeux, tout en parlant.

— J’ai l’honneur, dit-il d’une voix chantante, de déposer un rapport sur le projet de loi portant ouverture au ministère d’État, sur l’exercice 1856, d’un crédit de quatre cent mille francs, pour les dépenses de la cérémonie et des fêtes du baptême du Prince Impérial.

Et il faisait mine d’aller déposer le rapport, d’un pas ralenti, lorsque tous les députés, avec un ensemble parfait, crièrent :

— La lecture ! la lecture !

Le rapporteur attendit que le président eût décidé que la lecture aurait lieu. Et il commença, d’un ton presque attendri :

— « Messieurs, le projet de loi qui nous est présenté est de ceux qui font paraître trop lentes les formes ordi-