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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

son oreille d’une voix enfiévrée de curieux satisfait :

— Oh ! une scène épouvantable… Vous avez vu, je l’ai suivie. Elle a justement rencontré Marsy au bout des couloirs. Ils sont entrés dans une chambre. Là, j’ai entendu Marsy lui dire carrément qu’elle l’assommait… Elle est repartie comme une folle, en se dirigeant vers le cabinet de l’empereur… Ma foi, oui, je crois qu’elle est allée mettre sur le bureau de l’empereur les fameuses lettres…

À ce moment, madame de Llorentz reparut. Elle était toute blanche, les cheveux envolés sur les tempes, l’haleine courte. Elle reprit sa place derrière l’impératrice, avec le calme désespéré d’un patient qui vient de pratiquer sur lui-même quelque terrible opération dont il peut mourir.

— Pour sûr, elle a lâché les lettres, répéta M. de Plouguern, en l’examinant.

Et, comme Rougon semblait ne pas le comprendre, il alla se pencher derrière Clorinde, lui racontant l’histoire. Elle l’écoutait ravie, les yeux allumés d’une joie luisante. Ce fut seulement au sortir des petits appartements de l’impératrice, quand vint l’heure du dîner, que Clorinde parut apercevoir Rougon. Elle lui prit le bras, elle lui dit, tandis que Delestang marchait derrière eux :

— Eh bien, vous avez vu… Si vous aviez été gentil ce matin, je n’aurais pas failli me casser les jambes.

Le soir, il y eut une curée froide aux flambeaux, dans la cour du palais. En quittant la salle à manger, le cortége des invités, au lieu de revenir immédiatement à la galerie des Cartes, se dispersa dans les salons de la façade, dont les fenêtres furent ouvertes toutes grandes. L’empereur prit place sur le balcon central, où une vingtaine de personnes purent le suivre.

En bas, de la grille au vestibule, deux files de valets de