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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

que résolution, devant laquelle il hésitait encore. Il finissait par sourire, lorsque le jeune Auguste, qui venait d’achever la réussite interrompue, s’écria :

— Elle a réussi, monsieur Rougon.

— Parbleu ! dit Du Poizat, répétant le mot habituel du grand homme, ça réussit toujours !

À ce moment, un domestique vint dire à Rougon qu’un monsieur et une dame le demandaient ; et il lui remit une carte, qui lui fit pousser un léger cri.

— Comment ! ils sont à Paris.

C’étaient le marquis et la marquise d’Escorailles. Il se hâta de les recevoir dans son cabinet. Ils s’excusèrent de venir si tard. Puis, dans leur conversation, ils laissèrent entendre qu’ils se trouvaient à Paris depuis deux jours, mais que la peur de voir mal interpréter leur visite chez un personnage tenant de près au gouvernement, leur avait fait remettre cette visite à l’heure indue où ils se présentaient. Cette explication ne blessa nullement Rougon. La présence du marquis et de la marquise dans sa maison était pour lui un honneur inespéré. L’empereur en personne aurait frappé à sa porte, qu’il eût éprouvé une satisfaction de vanité moins grande. Ces vieilles gens venant en solliciteurs, c’était tout Plassans qui lui rendait hommage, le Plassans aristocratique, froid, guindé, dont il avait gardé, du fond de sa jeunesse, une idée d’Olympe inaccessible ; et il satisfaisait enfin un rêve d’ambition ancienne, il se sentait vengé des dédains de sa petite ville, lorsqu’il y traînait ses souliers éculés d’avocat sans causes.

— Nous n’avons pas trouvé Jules, dit la marquise. Nous nous faisions un plaisir de le surprendre… Il a dû aller à Orléans, pour une affaire, paraît-il.

Rougon ignorait l’absence du jeune homme. Mais il comprit, en se souvenant que la tante auprès de laquelle