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LES ROUGON-MACQUART.

le préfet de la Somme échangeait un sourire avec ses collègues du Jura et du Cher ; les deux dames, devant la table, avaient aux lèvres un léger pli de dédain. Alors, il haussa la voix, rudement :

— Écrivez-moi, n’est-ce pas ? Vous savez combien je vous suis dévoué… Et quand vous serez à Plassans, dites à ma mère que je me porte bien.

Il traversa l’antichambre, les accompagna jusqu’à l’autre porte, pour les imposer à tout ce monde, sans aucune honte d’eux, tirant un grand orgueil d’être parti de leur petite ville et de pouvoir aujourd’hui les mettre aussi haut qu’il lui plaisait. Et les solliciteurs, les fonctionnaires, inclinés sur leur passage, saluaient la robe de soie puce et l’habit à queue carrée des Charbonnel.

Quand il rentra dans son cabinet, il trouva le colonel debout.

— À ce soir, dit ce dernier. Il commence à faire trop chaud chez vous.

Et il se pencha pour lui murmurer quelques paroles à l’oreille. Il s’agissait de son fils Auguste, qu’il allait retirer du collège, désespérant de lui voir jamais passer son baccalauréat. Rougon avait promis de le prendre dans son ministère, bien que le diplôme de bachelier fût exigé de tous les employés.

— Eh bien, c’est cela, amenez-le, répondit-il. Je passerai par-dessus les formalités. Je chercherai un biais… Et il gagnera quelque chose tout de suite, puisque vous y tenez.

M. Béjuin resta seul devant la cheminée. Il roula son fauteuil, s’installa au milieu, sans paraître s’apercevoir que la pièce se vidait. Il demeurait toujours le dernier, attendait encore quand les autres n’étaient plus là, dans l’espoir de se faire offrir quelque part oubliée.

Merle, de nouveau, reçut l’ordre d’introduire le préfet