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LES ROUGON-MACQUART.

J’ai reçu des lettres… Il est certain qu’il s’occupe de politique. Mais il y a déjà eu quatre arrestations dans le département. J’aurais préféré, pour arriver au nombre de cinq que vous m’avez fixé, faire coffrer un professeur de quatrième qui lit à ses élèves des livres révolutionnaires.

— J’ai appris des faits bien graves, dit sévèrement Rougon. Les larmes de sa sœur ne doivent pas sauver ce Martineau, s’il est vraiment si dangereux. Il y a là une question de salut public.

Et se tournant vers Gilquin :

— Qu’en pensez-vous ?

— Je procéderai demain à l’arrestation, répondit celui-ci. Je connais toute l’affaire. J’ai vu madame Correur à l’hôtel de Paris, où je dîne d’habitude.

Du Poizat ne fit aucune objection. Il tira un petit carnet de sa poche, biffa un nom pour en écrire un autre au-dessus, tout en recommandant au commissaire central de faire surveiller quand même le professeur de quatrième. Rougon accompagna Gilquin jusqu’à la porte. Il reprit :

— Ce Martineau est un peu souffrant, je crois. Allez en personne à Coulonges. Soyez très-doux.

Mais Gilquin se redressa d’un air blessé. Il oublia tout respect, il tutoya Son Excellence.

— Me prends-tu pour un sale mouchard ! s’écria-t-il. Demande à Du Poizat l’histoire de ce pharmacien que j’ai arrêté au lit, avant-hier. Il y avait, dans le lit, la femme d’un huissier. Personne n’a rien su… J’agis toujours en homme du monde.

Rougon dormit neuf heures d’un sommeil profond. Quand il ouvrit les yeux le lendemain, vers huit heures et demie, il fit appeler Du Poizat, qui arriva, un cigare aux dents, l’air très-gai. Ils causèrent, ils plaisantèrent comme autrefois, lorsqu’ils habitaient chez madame Mé-