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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

jour-là, qu’un avertissement serait envoyé au Siècle.

Leurs Excellences croyaient le conseil fini. Cela se voyait à la manière dont ces messieurs se tenaient assis sur le bord de leurs fauteuils. Même le ministre de la guerre, un général à l’air ennuyé qui n’avait pas soufflé mot de toute la séance, tirait déjà ses gants de sa poche, lorsque Rougon s’accouda fortement à la table.

— Sire, dit-il, je voudrais entretenir le conseil d’un conflit qui s’est élevé entre la commission de colportage et moi, au sujet d’un ouvrage présenté à l’estampille.

Ses collègues se renfoncèrent dans leurs fauteuils. L’empereur se tourna à demi, avec un léger hochement de tête, pour autoriser le ministre de l’intérieur à continuer.

Alors, Rougon entra dans des détails préliminaires. Il ne souriait plus, il n’avait plus son air bonhomme. Penché au bord de la table, le bras droit balayant le tapis d’un geste régulier, il raconta qu’il avait voulu présider lui-même une des dernières séances de la commission, pour stimuler le zèle des membres qui la composaient.

— Je leur ai indiqué les vues du gouvernement sur les améliorations à opérer dans les importants services dont ils sont chargés… Le colportage aurait de graves dangers si, devenant une arme entre les mains des révolutionnaires, il aboutissait à raviver les discussions et les haines. La commission a donc le devoir de rejeter tous les ouvrages fomentant et irritant des passions qui ne sont plus de notre âge. Elle accueillera au contraire les livres dont l’honnêteté lui paraîtra inspirer un acte d’adoration pour Dieu, d’amour pour la patrie, de reconnaissance pour le souverain.

Les ministres, très-maussades, crurent cependant devoir saluer au passage ce dernier membre de phrase.

— Le nombre des mauvais livres augmente tous les