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LES ROUGON-MACQUART.

reur, penché, parlait dans la figure de la jeune femme, qui se renversait en arrière, comme pour lui échapper, la gorge toute sonore. On apercevait seulement le profil perdu de Sa Majesté, une oreille allongée, un grand nez rouge, une bouche épaisse, perdue sous le frémissement des moustaches ; et le plan fuyant de la joue, le coin de l’œil entrevu, avaient une flamme de convoitise, l’appétit sensuel des hommes que grise l’odeur de la femme. Clorinde, irritante de séduction, refusait d’un balancement imperceptible de la tête, tout en soufflant de son haleine, à chacun de ses rires, le désir si savamment allumé.

Quand Leurs Excellences rentrèrent dans le salon, la jeune femme disait en se levant, sans qu’on pût savoir à quelle phrase elle répondait :

— Oh ! sire, ne vous y fiez pas, je suis entêtée comme une mule.

Rougon, malgré sa querelle, revint à Paris avec Delestang et Clorinde. Celle-ci sembla vouloir faire sa paix avec lui. Elle n’avait plus cette inquiétude nerveuse qui la poussait aux sujets de conversation désagréables ; elle le regardait même, par moments, avec une sorte de compassion souriante. Lorsque le landau, dans le Bois tout trempé de soleil, roula doucement au bord du lac, elle s’allongea, elle murmura, avec un soupir de jouissance :

— Hein, la belle journée, aujourd’hui !

Puis, après être restée un instant rêveuse, elle demanda à son mari :

— Dites ! est-ce que votre sœur, madame de Combelot, est toujours amoureuse de l’empereur ?

— Henriette est folle ! répondit Delestang, en haussant les épaules.

Rougon donna des détails.