Page:Emile Zola - Son Excellence Eugène Rougon.djvu/402

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
402
LES ROUGON-MACQUART.

— Une casserole en argent, je crois, deux timbales, un porte-huilier, des bêtises, des cadeaux que l’honorable défunt, vieillard d’une grande piété, avait faits aux sœurs pour les récompenser de leurs bons soins pendant sa longue maladie.

— Oui, oui, évidemment, murmurèrent les autres.

Le sénateur n’insista pas. Il reprit d’un ton très-lent, en accentuant chaque phrase d’un petit claquement de main :

— La question est ailleurs. Il s’agit du respect dû à un couvent, à une de ces saintes maisons, où se sont réfugiées toutes les vertus chassées de notre société impie. Comment veut-on que les masses soient religieuses, si les attaques contre la religion partent de si haut ? Rougon a commis là un véritable sacrilége, dont il devra rendre compte… Aussi la bonne société de Faverolles est-elle indignée. Monseigneur Rochart, l’éminent prélat, qui a toujours témoigné aux sœurs une tendresse particulière, est immédiatement parti pour Paris, où il vient demander justice. D’autre part, au Sénat, on était toujours très-irrité, on parlait de soulever un incident, sur les quelques détails que j’ai pu fournir. Enfin, l’impératrice elle-même…

Tous tendirent le cou.

— Oui, l’impératrice a su cette déplorable histoire par madame de Llorentz, qui la tenait de notre ami La Rouquette, auquel je l’avais racontée. Sa Majesté s’est écriée : « M. Rougon n’est plus digne de parler au nom de la France. »

— Très-bien ! dit tout le monde.

Ce jeudi-là, ce fut, jusqu’à une heure du matin, l’unique sujet de conversation. Clorinde n’avait pas ouvert la bouche. Aux premiers mots de M. de Plouguern, elle s’était renversée sur sa chaise longue, un peu pâle, les