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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

dans le néant les époques abominables de perversion publique. La liberté est devenue possible, le jour où a été vaincue cette faction qui s’obstinait à méconnaître les bases fondamentales du gouvernement. C’est pourquoi l’empereur a cru devoir retirer sa puissante main, refusant les prérogatives excessives du pouvoir comme un fardeau inutile, estimant son règne indiscutable au point de le laisser discuter. Et il n’a pas reculé devant la pensée d’engager l’avenir ; il ira jusqu’au bout de sa tâche de délivrance, il rendra les libertés une à une, aux époques marquées par sa sagesse. Désormais, c’est ce programme de progrès continu que nous avons la mission de défendre dans cette assemblée…

Un des cinq députés de la gauche se leva indigné, en disant :

— Vous avez été le ministre de la répression à outrance !

Et un autre ajouta avec passion :

— Les pourvoyeurs de Cayenne et de Lambessa n’ont pas le droit de parler au nom de la liberté !

Une explosion de murmures monta. Beaucoup de députés ne comprenaient pas, se penchaient, interrogeant leurs voisins. M. de Marsy feignit de ne pas avoir entendu ; et il se contenta de menacer les interrupteurs, de les rappeler à l’ordre.

— On vient de me reprocher…, reprit Rougon.

Mais des cris s’élevèrent à droite, l’empêchèrent de continuer.

— Non, non, ne répondez pas !

— Ces injures ne sauraient vous atteindre !

Alors, il apaisa la Chambre d’un geste ; et, s’appuyant des deux poings au bord de la tribune, il se tourna vers la gauche, d’un air de sanglier acculé.

— Je ne répondrai pas, déclara-t-il tranquillement.