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LES ROUGON-MACQUART.

que la Providence a choisi pour nous sauver dans un jour de miséricorde infinie. Nous pouvons nous reposer à l’abri de sa haute intelligence. Il nous a pris par la main, et il nous conduit pas à pas vers le port, au milieu des écueils.

Des acclamations retentirent. La séance fut suspendue pendant près de dix minutes. Un flot de députés s’était précipité au-devant du ministre qui regagnait son banc, le visage en sueur, les flancs encore agités de son grand souffle. M. La Rouquette, M. de Combelot, cent autres, le félicitaient, allongeaient le bras pour tâcher de lui prendre une poignée de main au passage. C’était comme un long ébranlement qui se continuait dans la salle. Les tribunes elles-mêmes parlaient et gesticulaient. Sous la baie ensoleillée du plafond, parmi ces dorures, ces marbres, ce luxe grave tenant du temple et du cabinet d’affaires, une agitation de place publique roulait, des rires de doute, des étonnements bruyants, des admirations exaltées, la clameur d’une foule secouée de passion. Les regards de M. de Marsy et de Clorinde s’étant rencontrés, ils eurent tous deux un hochement de tête ; ils avouaient la victoire du grand homme. Rougon, par son discours, venait de commencer la prodigieuse fortune qui devait le porter si haut.

Un député, cependant, était à la tribune. Il avait un visage rasé, d’un blanc de cire, avec de longs cheveux jaunes dont les boucles rares tombaient sur ses épaules. Roide, sans un geste, il parcourait de grandes feuilles de papier, le manuscrit d’un discours qu’il se mit à lire d’une voix molle. Les huissiers jetaient leur cri :

— Silence, messieurs !… Veuillez faire silence !

L’orateur avait des explications à demander au gouvernement. Il se montrait très-irrité de l’attitude expectante de la France, en présence du saint-siége menacé