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SON EXCELLENCE EUGÈNE ROUGON.

ment me gêner… Enfin, mettez-vous de ce côté-là… Du Poizat, donnez votre fauteuil à madame.

Il se tournait, lorsqu’il se trouva en face du colonel Jobelin.

— Vous aussi, colonel ! cria-t-il.

La porte était restée ouverte, Merle n’avait pu s’opposer à l’entrée du colonel, qui montait l’escalier derrière les talons des Bouchard. Il tenait son fils par la main, un grand galopin de quinze ans, alors élève de troisième au lycée Louis-le-Grand.

— J’ai voulu vous amener Auguste, dit-il. C’est dans le malheur que se révèlent les vrais amis… Auguste, donne une poignée de main.

Mais Rougon s’élançait vers l’antichambre, en criant :

— Fermez donc la porte, Merle ! À quoi pensez-vous ! Tout Paris va entrer.

L’huissier montra sa face calme, en disant :

— C’est qu’ils vous ont vu, monsieur le président.

Et il dut s’effacer pour laisser passer les Charbonnel. Ils arrivaient sur une même ligne, sans se donner le bras, soufflant, désolés, ahuris. Ils parlèrent en même temps.

— Nous venons de voir le Moniteur… Ah ! quelle nouvelle ! comme votre pauvre mère va être désolée ! Et nous, dans quelle triste position cela nous met !

Ceux-là, plus naïfs que les autres, allaient tout de suite exposer leurs petites affaires. Rougon les fit taire. Il poussa un verrou caché sous la serrure de la porte, en murmurant qu’on pouvait l’enfoncer, maintenant. Puis, voyant que pas un de ses amis ne semblait décidé à quitter la place, il se résigna, il tâcha d’achever sa besogne, au milieu des neuf personnes qui emplissaient le cabinet. Le déménagement des papiers avait fini par bouleverser la pièce. Sur le tapis, une débandade de dossiers traînait, si bien que le colonel et