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LES ROUGON-MACQUART.

— Oh ! je serais contente ; nous jouerions ensemble, n’est-ce pas ? ce serait amusant.

— Toujours, entends-tu, je resterais toujours.

Jeanne avait pris un bateau, qu’elle transformait en un chapeau de gendarme. Elle murmura :

— Ah ! il faudrait que maman le permît.

Cette réponse parut le rendre à toutes ses anxiétés. Son sort se décidait.

— Bien sûr, dit-il. Mais si ta maman le permettait, tu ne dirais pas non, toi, n’est-ce-pas ?

Jeanne, qui achevait son chapeau de gendarme, enthousiasmée, se mit à chanter sur un air à elle :

— Je dirais oui, oui, oui… Je dirais oui, oui, oui… Vois donc comme il est joli, mon chapeau !

M. Rambaud, touché aux larmes, se dressa sur les genoux et l’embrassa, pendant qu’elle-même lui jetait les mains autour du cou. Il avait chargé son frère de demander le consentement d’Hélène ; lui, tâchait d’obtenir celui de Jeanne.

— Vous le voyez, dit le prêtre avec un sourire, l’enfant veut bien.

Hélène resta grave. Elle ne discutait pas. L’abbé avait repris son plaidoyer, et il insistait sur les mérites de M. Rambaud. N’était-ce pas un père tout trouvé pour Jeanne ? Elle le connaissait, elle ne livrerait rien au hasard en se confiant à lui. Puis, comme elle gardait le silence, l’abbé ajouta avec une grande émotion et une grande dignité que, s’il s’était chargé d’une pareille démarche, il n’avait point songé à son frère, mais à elle, à son bonheur.

— Je vous crois, je sais combien vous m’aimez, dit vivement Hélène. Attendez, je veux répondre devant vous à votre frère.

Dix heures sonnaient. M. Rambaud entrait dans la