Page:Emile Zola - Une page d'amour.djvu/111

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
UNE PAGE D’AMOUR.

n’entendait que le bruit d’ailes des moineaux, voletant dans les arbres. Tout le charme de ce petit coin ensoleillé la pénétrait. Et, à partir de ce jour, ses plus heureuses après-midi furent ceux où son amie l’abandonnait.

Des rapports de plus en plus étroits se nouaient entre elle et les Deberle. Elle dîna chez eux, en amie que l’on retient au moment de se mettre à table ; lorsqu’elle s’attardait sous les ormes, et que Pierre descendait le perron, en disant : « Madame est servie, » Juliette la suppliait de rester, et elle cédait parfois. C’étaient des dîners de famille, égayés par la turbulence des enfants. Le docteur Deberle et Hélène paraissaient de bons amis, dont les tempéraments raisonnables, un peu froids, sympathisaient. Aussi Juliette s’écriait-elle souvent :

— Oh ! vous vous entendriez bien ensemble… Moi, cela m’exaspère, votre tranquillité.

Chaque après-midi, le docteur rentrait de ses visites vers six heures. Il trouvait ces dames au jardin et s’asseyait près d’elles. Dans les premiers temps, Hélène avait affecté de se retirer aussitôt, pour laisser le ménage seul. Mais Juliette s’était si vivement fâchée de cette brusque retraite, qu’elle demeurait maintenant. Elle se trouvait de moitié dans la vie intime de cette famille qui semblait toujours très-unie. Lorsque le docteur arrivait, sa femme lui tendait chaque fois la joue, du même mouvement amical, et il la baisait ; puis, comme Lucien lui montait aux jambes, il l’aidait à grimper, il le gardait sur ses genoux, tout en causant. L’enfant lui fermait la bouche de ses petites mains, lui tirait les cheveux au milieu d’une phrase, se conduisait si mal, qu’il finissait par le mettre à terre, en lui disant d’aller jouer avec Jeanne.