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LES ROUGON-MACQUART.

— Jeanne, tu me fais beaucoup de peine.

L’enfant, aussitôt, lâcha prise, tourna la tête. Et quand elle vit sa mère, la face désolée, les yeux pleins de larmes contenues, elle éclata elle-même en sanglots et se jeta à son cou, en balbutiant :

— Non, maman… non, maman…

Elle lui passait les mains sur la figure pour l’empêcher de pleurer. Sa mère, lentement, l’écarta. Alors, le cœur crevé, éperdue, la petite se laissa tomber à quelques pas sur un banc, où elle sanglota plus fort. Lucien, auquel on la donnait sans cesse en exemple, la contemplait, surpris et vaguement enchanté. Et comme Hélène pliait son ouvrage, en s’excusant d’une pareille scène, Juliette lui dit que, mon Dieu ! on devait tout pardonner aux enfants ; au contraire, la petite avait très-bon cœur, et elle se lamentait si fort, la pauvre mignonne, qu’elle était déjà trop punie. Elle l’appela pour l’embrasser, mais Jeanne, refusant le pardon, restait sur son banc, étouffée par les larmes.

M. Rambaud et le docteur, cependant, s’étaient approchés. Le premier se pencha, demanda de sa bonne voix émue :

— Voyons, ma chérie, pourquoi es-tu fâchée ? que t’ai-je fait ?

— Oh ! dit l’enfant, en écartant les mains et en montrant son visage bouleversé, tu as voulu me prendre maman.

Le docteur, qui écoutait, se mit à rire. M. Rambaud ne comprit pas tout de suite.

— Qu’est-ce que tu dis là ?

— Oui, oui, l’autre mardi… Oh ! tu sais bien, tu t’es mis à genoux, en me demandant ce que je dirais si tu restais à la maison.

Le docteur ne souriait plus. Ses lèvres décolorées