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UNE PAGE D’AMOUR.

tandis que Pauline, très-affairée, faisait aligner des rangées de chaises dans le salon, devant la porte de la salle à manger, que l’on avait démontée et remplacée par un rideau rouge.

— Papa, cria-t-elle, donne donc un coup de main ! Nous n’arriverons jamais.

M. Letellier, qui examinait le lustre, les bras derrière le dos, se hâta de donner un coup de main. Pauline elle-même transporta des chaises. Elle avait obéi à sa sœur, en mettant une robe blanche ; seulement son corsage s’ouvrait en carré, montrant sa gorge.

— Là, nous y sommes, reprit-elle ; on peut venir… Mais à quoi songe Juliette ? Elle n’en finit plus d’habiller Lucien.

Justement, madame Deberle amenait le petit marquis. Toutes les personnes présentes poussèrent des exclamations. Oh ! cet amour ! Était-il assez mignon, avec son habit de satin blanc broché de bouquets, son grand gilet brodé d’or et ses culottes de soie cerise ! Son menton et ses mains délicates se noyaient dans de la dentelle. Une épée, un joujou à gros nœud rose, battait sur sa hanche.

— Allons, fais les honneurs, lui dit sa mère, en le conduisant dans la première pièce.

Depuis huit jours, il répétait sa leçon. Alors, il se campa cavalièrement sur ses petits mollets, sa tête poudrée un peu renversée, son tricorne sous le bras gauche ; et, à chaque invitée qui arrivait, il faisait une révérence, offrait le bras, saluait et revenait. On riait autour de lui, tant il restait grave, avec une pointe d’effronterie. Il conduisit ainsi Marguerite Tissot, une fillette de cinq ans, qui avait un délicieux costume de laitière, la boîte au lait pendue à la ceinture ; il conduisit les deux petites Berthier, Blanche et Sophie,