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LES ROUGON-MACQUART.

serait superbe. Toutes ces dames lui donnaient des fleurs. Il attendait deux palmiers de quatre mètres pour les poser à droite et à gauche de l’autel.

— Oh ! maman… maman…, murmura Jeanne qui écoutait, émerveillée.

— Eh bien ! vous ne savez pas, mon ami, dit Hélène en souriant, puisque vous ne pouvez venir, nous irons vous voir… Voilà que vous avez tourné la tête à Jeanne, avec vos bouquets.

Elle n’était guère dévote, même elle n’assistait jamais à la messe, prétextant la santé de sa fille, qui sortait toute frissonnante des églises. Le vieux prêtre évitait de lui parler religion. Il disait simplement, avec une tolérance pleine de bonhomie, que les belles âmes font leur salut toutes seules, par leur sagesse et leur charité. Dieu saurait bien la toucher un jour.

Jusqu’au lendemain soir, Jeanne ne songea qu’au mois de Marie. Elle questionnait sa mère, elle rêvait l’église emplie de roses blanches, avec des milliers de cierges, des voix célestes, des odeurs suaves. Et elle voulait être près de l’autel, pour mieux voir la robe de dentelle de la sainte Vierge, une robe qui valait une fortune, disait l’abbé. Mais Hélène la calmait, en la menaçant de ne pas la mener, si elle se rendait malade à l’avance.

Enfin, le soir, après le dîner, elles partirent. Les nuits étaient encore fraîches. En arrivant rue de l’Annonciation, où se trouve Notre-Dame de Grâce, l’enfant grelottait.

— L’église est chauffée, dit sa mère. Nous allons nous mettre près d’une bouche de chaleur.

Quand elle eut poussé la porte rembourrée, qui retomba mollement, une tiédeur les enveloppa, tandis