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LES ROUGON-MACQUART.

de la chaire, debout derrière une colonne, Juliette poussait le coude d’Hélène.

— Regardez donc, il est déjà là… Vous savez qu’il n’a pas voulu se confesser pour notre mariage… Non, il a une figure impayable, il nous contemple d’un air si drôle ! Regardez-le donc !

Hélène ne levait pas tout de suite la tête. La cérémonie allait finir, l’encens fumait, les orgues éclataient d’allégresse. Mais, comme son amie n’était pas femme à la laisser tranquille, elle devait répondre.

— Oui, oui, je le vois, balbutiait-elle sans tourner les yeux.

Elle l’avait deviné, à l’hosanna qu’elle entendait monter de toute l’église. Le souffle d’Henri lui semblait venir jusqu’à sa nuque sur l’aile des cantiques, et elle croyait voir derrière elle ses regards qui éclairaient la nef et l’enveloppaient, agenouillée, d’un rayon d’or. Alors, elle priait avec une ferveur si grande, que les paroles lui manquaient. Lui, très-grave, avait la mine correcte d’un mari qui venait chercher ces dames chez Dieu, comme il serait allé les attendre dans le foyer d’un théâtre. Mais, quand ils se rejoignaient, au milieu de la lente sortie des dévotes, tous deux se trouvaient comme liés davantage, unis par ces fleurs et ces chants ; et ils évitaient de se parler, car ils avaient leurs cœurs sur les lèvres.

Au bout de quinze jours, madame Deberle se lassa. Elle sautait d’une passion à une autre, tourmentée du besoin de faire ce que tout le monde faisait. À présent, elle se donnait aux ventes de charité, montant soixante étages par après-midi, pour aller quêter des toiles chez les peintres connus, et employant ses soirées à présider avec une sonnette des réunions de