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LES ROUGON-MACQUART.

— Mais bien sûr. Je parie que c’est lui qui l’a inventé. Il m’exècre depuis qu’il a passé là-bas un mois avec nous.

Du monde commençait à arriver. Les dames, une touffe de fleurs dans les cheveux, les bras arrondis, souriaient avec un balancement de tête ; les hommes, en habit, le chapeau à la main, s’inclinaient, tâchaient de trouver une phrase. Madame Deberle, tout en causant, tendait le bout des doigts aux familiers de la maison ; et beaucoup ne disaient rien, saluaient et passaient. Cependant, mademoiselle Aurélie venait d’entrer. Tout de suite, elle s’extasia sur la robe de Juliette, une robe de velours frappé bleu marine, garnie de faille. Alors, les dames, qui se trouvaient là, parurent seulement apercevoir la robe. Oh ! délicieuse, vraiment délicieuse ! Elle sortait de chez Worms. On en causa cinq minutes. Le café était pris, les invités avaient reposé les tasses vides un peu partout, sur le plateau, sur les consoles ; seul, le vieux monsieur n’en finissait pas, s’arrêtant à chaque gorgée pour causer avec une dame. Une odeur chaude, l’arôme du café mêlé aux légers parfums des toilettes, montait.

— Vous savez que je n’ai rien eu, dit le fils Tissot à Pauline, qui lui parlait d’un peintre chez lequel son père l’avait conduite voir des tableaux.

— Comment ! vous n’avez rien eu ?… Je vous ai apporté une tasse de café.

— Non, mademoiselle, je vous assure.

— Mais je veux absolument que vous ayez quelque chose… Attendez, voici de la chartreuse !

Madame Deberle avait appelé discrètement son mari d’un signe de tête. Le docteur comprit, ouvrit lui-même la porte du grand salon, où l’on passa, tandis