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LES ROUGON-MACQUART.

étaient partis, discrètement. L’appartement se vidait. Alors, des messieurs s’assirent à leur tour devant la table. Mais mademoiselle Aurélie ne lâcha pas la place. Elle aurait bien voulu un verre de punch.

— Je vais vous en chercher un, dit Hélène qui se leva.

— Oh ! non, merci… Ne prenez pas cette peine.

Depuis un instant, Hélène surveillait Malignon. Il était allé donner une poignée de main au docteur, il saluait maintenant Juliette, sur le seuil de la porte. Elle avait son visage blanc, ses yeux clairs, et, à son sourire complaisant, on aurait pu croire qu’il la complimentait au sujet de sa soirée. Comme Pierre versait le punch sur un dressoir, près de la porte, Hélène s’avança et manœuvra de façon à se trouver cachée derrière le retour de la portière. Elle écouta.

— Je vous en prie, disait Malignon, venez après-demain… Je vous attendrai à trois heures…

— Vous ne pouvez donc pas être sérieux ? répondait madame Deberle en riant. En dites-vous, des bêtises !

Mais il insistait, répétant toujours :

— Je vous attendrai… Venez après-demain… Vous savez où ?

Alors, rapidement, elle murmura :

— Eh bien, oui, après-demain.

Malignon s’inclina et partit. Madame de Chermette se retirait avec madame Tissot. Juliette, gaiement, les accompagna dans l’antichambre, en disant à la première, de son air le plus aimable :

— J’irai vous voir après-demain… J’ai un tas de visites, ce jour-là.

Hélène était restée immobile, très-pâle. Cependant, Pierre, qui avait versé le punch, lui tendait le verre.