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UNE PAGE D’AMOUR.

Nous n’avons pas de concierge, vous savez. C’est ça qui lui plaît. Il n’aime pas les concierges, cet homme, et, vrai ! il a raison…

Mais, de nouveau, elle s’interrompit, comme frappée d’une idée subite.

— Attendez donc ! vous devez le connaître, mon monsieur… Il voit une de vos amies.

— Ah ! dit Hélène toute pâle.

— Bien sûr, la dame d’à côté, celle avec qui vous alliez à l’église… Elle est venue, l’autre jour.

Les yeux de la mère Fétu se rapetissaient, en guignant l’émotion de la bonne dame. Celle-ci tâcha de poser une question d’un ton calme.

— Elle est montée chez lui ?

— Non, elle s’est ravisée, elle avait peut-être oublié quelque chose… Moi, j’étais sur la porte. Elle m’a demandé monsieur Vincent ; puis, elle s’est refourrée dans son fiacre, en criant au cocher : Il est trop tard, retournez… Oh ! c’est une dame bien vive, bien gentille, bien comme il faut. Le bon Dieu n’en met pas des masses comme ça sur la terre. Après vous, il n’y a qu’elle… Que le ciel vous bénisse tous !

Et elle continuait, enfilant les phrases vides, avec une aisance de dévote rompue à l’exercice du chapelet. D’ailleurs, le travail sourd qui se faisait dans les rides de sa face n’en était pas interrompu. Elle rayonnait à présent, très-satisfaite.

— Alors, reprit-elle sans transition, je voudrais bien avoir une paire de bons souliers. Mon monsieur a été trop gentil, je ne puis pas lui demander ça… Vous voyez, je suis couverte ; seulement, il me faudrait une paire de bons souliers. Les miens sont troués, regardez, et, par ces temps de boue, on at-