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UNE PAGE D’AMOUR.

des Eaux, elle s’arrêta sous la voûte, prise d’une véritable peur. Le passage s’ouvrait sous ses pieds comme un trou noir. Elle n’en voyait pas le fond, elle apercevait seulement, au milieu de ce boyau de ténèbres, la lueur tremblotante du seul réverbère qui l’éclairait. Enfin, elle se décida, elle prit la rampe de fer pour ne pas tomber. Du bout des pieds, elle tâtait les larges marches. À droite et à gauche, les murs se resserraient, allongés démesurément par la nuit, tandis que les branches dépouillées des arbres, au-dessus, mettaient vaguement des profils de bras gigantesques, aux mains tendues et crispées. Elle tremblait à la pensée que la porte d’un des jardins allait s’ouvrir et qu’un homme se jetterait sur elle. Personne ne passait, elle descendait le plus vite possible. Tout d’un coup, une ombre sortit de l’obscurité ; un frisson la glaçait, lorsque l’ombre toussa ; c’était une vieille femme qui montait péniblement. Alors, elle se sentit rassurée, elle releva plus soigneusement sa robe dont la queue traînait dans la crotte. La boue était si épaisse que ses bottines restaient collées sur les marches. En bas, elle se tourna d’un mouvement instinctif. L’humidité des branches s’égouttait dans le passage, le réverbère avait une clarté de lampe de mineur, accrochée au flanc d’un puits que des infiltrations ont rendu dangereux.

Hélène monta droit au grenier où elle était venue si souvent, en haut de la grande maison du passage. Mais elle eut beau frapper, rien ne bougea. Elle redescendit alors, très-embarrassée. La mère Fétu se trouvait sans doute à l’appartement du premier. Seulement, Hélène n’osait se présenter là. Elle resta cinq minutes dans l’allée, qu’une lampe à pétrole éclairait. Elle remonta, hésita, regarda les portes ;