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UNE PAGE D’AMOUR.

Il se coula dans la pièce, en entr’ouvrant la porte le moins possible, et l’on entendit aussitôt la voix de Juliette qui se fâchait.

— Comment, vous avez laissé entrer ! Je vous avais formellement défendu… C’est incroyable, on ne peut être tranquille une minute.

Hélène poussa la porte, résolue à accomplir ce qu’elle croyait être son devoir.

— Tiens, c’est vous ! dit Juliette, en l’apercevant. J’avais mal entendu…

Mais elle gardait son air contrarié. Évidemment, la visiteuse la gênait.

— Est-ce que je vous dérange ? demanda celle-ci.

— Non, non… Vous allez comprendre. C’est une surprise que nous ménageons. Nous répétons le Caprice, pour le jouer à un de mes mercredis. Précisément, nous avions choisi le matin, afin que personne ne pût se douter… Oh ! restez maintenant. Vous serez discrète, voilà tout.

Et, tapant dans ses mains, s’adressant à madame Berthier, qui était debout au milieu du salon, elle reprit, sans plus s’occuper d’Hélène :

— Voyons, voyons, travaillons… Vous ne mettez pas assez de finesse dans cette phrase : « Faire une bourse en cachette de son mari, cela passerait, aux yeux de bien des gens, pour un peu plus que romanesque… » Répétez cela.

Hélène, très-étonnée de l’occupation où elle la trouvait, s’était assise en arrière. On avait poussé contre les murs les siéges et les tables, le tapis restait libre. Madame Berthier, une blonde délicate, disait son monologue, en levant les yeux au plafond, pour chercher les mots ; tandis que la forte madame de Guiraud, une belle brune, qui s’était chargée du