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LES ROUGON-MACQUART.

Et prenant Lucien par les épaules, le soulevant presque, elle le baisa fortement sur les deux joues. Il voulut bien l’embrasser ensuite.

— À la bonne heure ! s’écrièrent tous les assistants.

Hélène saluait et gagnait la porte, accompagnée par madame Deberle.

— Je vous en prie, madame, disait-elle, veuillez présenter tous mes remerciements à monsieur le docteur… Il m’a tirée l’autre nuit d’une inquiétude mortelle.

— Henri n’est donc pas là ? interrompit M. Letellier.

— Non, il rentrera tard, répondit Juliette.

Et voyant mademoiselle Aurélie se lever pour sortir avec madame Grandjean, elle ajouta :

— Mais vous restez à dîner avec nous, c’est convenu.

La vieille demoiselle, qui attendait cette invitation chaque samedi, se décida à ôter son châle et son chapeau. On étouffait dans le salon. M. Letellier venait d’ouvrir une fenêtre, devant laquelle il restait planté, très-occupé d’un lilas qui bourgeonnait déjà. Pauline jouait à courir avec Lucien, au milieu des chaises et des fauteuils, débandés par les visites.

Alors, sur le seuil, madame Deberle tendit la main à Hélène, dans un geste plein de franchise amicale.

— Vous permettez, dit-elle. Mon mari m’avait parlé de vous, je me sentais attirée. Votre malheur, votre solitude… Enfin, je suis bien heureuse de vous avoir vue, et je compte que nous n’en resterons pas là.

— Je vous le promets et je vous remercie, répondit Hélène, très-touchée de cet élan d’affection, chez cette dame qui lui avait paru avoir la tête un peu à l’envers.

Leurs mains restaient l’une dans l’autre, elles se