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UNE PAGE D’AMOUR.

madame de permettre aux enfants de se voir le dimanche. Il y avait trois pages où cette demande revenait dans les mêmes termes, de plus en plus embrouillés, avec un effort constant de dire quelque chose qui n’était pas dit. Puis, avant de signer, la tante semblait avoir trouvé tout d’un coup, et elle avait écrit : « Monsieur le curé le permet », en écrasant sa plume au milieu d’un éclaboussement de pâtés.

Hélène plia lentement la lettre. Tout en la déchiffrant, elle avait levé deux ou trois fois la tête, pour jeter un coup d’œil sur le soldat. Il était toujours collé contre le mur, et ses lèvres remuaient, il paraissait appuyer chaque phrase d’un léger mouvement du menton ; sans doute il savait la lettre par cœur.

— Alors, c’est vous qui êtes Zéphyrin Lacour ? dit-elle.

Il se mit à rire, il branla le cou.

— Entrez, mon ami ; ne restez pas là.

Il se décida à la suivre, mais il se tint debout près de la porte, pendant qu’Hélène s’asseyait. Elle l’avait mal vu, dans l’ombre de l’antichambre. Il devait avoir juste la taille de Rosalie ; un centimètre de moins, et il était réformé. Les cheveux roux, tondus très-ras, sans un poil de barbe, il avait une face toute ronde, couverte de son, percée de deux yeux minces comme des trous de vrille. Sa capote neuve, trop grande pour lui, l’arrondissait encore ; et les jambes écartées dans son pantalon rouge, pendant qu’il balançait devant lui son képi à large visière, il était drôle et attendrissant, avec sa rondeur de petit bonhomme bêta, sentant le labour sous l’uniforme.

Hélène voulut l’interroger, obtenir quelques renseignements.