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pliquer le pilastre à la décoration de plus d’une sorte de monumens, avec plus de simplicité, de régularité et de réserve, si l’on veut, qu’on ne l’a fait depuis.

Nous ne nous arrêterons pas à prouver que l’architecture, romaine a fait un très-grand usage du pilastre dans les bâtisses. Il nous est, en effet, resté non-seulement plus de monumens de cette architecture, mais une bien plus grande diversité de ses ouvrages. Aussi en pourroit-on citer un grand nombre où le pilastre figure soit en ordonnance décorative sans aucune correspondance avec des colonnes, soit mis en rapport avec les colonnes isolées. Il est, en effet, une multitude de cas où les colonnes d’un portique, d’un avantcorps, se trouvent convenablement rappelées par des pilastres qui leur répondent, et lorsqu’une plate-bande d’architrave doit aboutir à un mur, qui est-ce qui n’approuveroit pas qu’an la fasse reposer sur le chapiteau d’un pilastre du même ordre, au lieu de reposer a cru sur le mur ?

Il seroit difficile d’énumérer toutes les circonstances locales qui déterminent à employer des pilastres, plutôt que des ordonnes isolées ou engagées. Dans des intérieurs étroits et d’une pente cimension, la colonne ou occuperoit trop d’espace, ou seroit d’un effet trop lourd, et rapetisseroit physiquement et moralement l’étendue du local. La nature différente des matériaux d’une construction induit encore souvent à l’emploi du pilastre, qui exige beaucoup moins de saillie daus les entablements. Le pilastre peut se pratiquer avec toute espère de batisse. Il est véritablement, comme on l’a déjà dit, une colonne de bas-relief ou sans saillie, et c’est cette grande diminution de matière, de travail el de saillie, qui en rend l’emploi facile et économique.

Mais c’est surtout aux devantures des maisons et des palais du second degré, que semble convenir la décoration des pilastres. L’architecture doit avoir et a réellement des degrés de richesse, qui suivent ceux des fortunes particulières et des rangs divers de la société. Les ordonnances de pilastres appliquées aux façades des bâtimens d’habitation, soit que chaque étage reçoive un ordre, soit que le même ordre occupe la hauteur du deux étages, forment un aspect élégant, et contribuent a donner au tout ensemble ce charme de proportions qui, sans cela, ou seroit bien moins exprimé, ou seroit plus difficilement saisi.

Nous n’alléguerons en faveur de ces considérations d’autres exemples, que ceux des palais construits par les Bramante, San-Gallo, Palladio et tant d’autres qui ont su tirer de l’emploi des pilastres aux façades de leurs édifices, des effets tour-à-tour simples, élégans, riches et variés. Ces édifices, sans aucun doute, plairoient moins, quoiqu’avec les mêmes masses et les mêmes proportions, si on leur enlevoit cette décoration.

De tout ceci, il résulte que le pilastre est quelquefois objet de nécessité, quelquefois de convenance, d’autres fois de décoration et de richesse proportionnée au caractère des édifices de la seconde classe.

Sans aucun doute, il n’est qu’un remplacement de la colonne, et cela seul, en indiquant l’emploi qu’on en peut faire, suffit pour montrer l’abus qu’on en fait, si on l’applique aux monuments dont la grandeur, la haute destination et le caractère spécial demandent à l’architecture l’emploi de ses pius riches moyens. L’inconvénient des ordonnances de pilastres mises en œuvre dans de semblables monuments est d’en diminuer l’effet, d’en rapetisser l’idée. Certainement l’effet produit par les masses de l’architecture est une des chums qui contribuent le plus à l’expression de son, caractère, el l’on ne sauroit disconvenir que le jeu de la lumière et des ombres dans les colonnades isolées, est une des principales causes de cet effet. Nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter à M. Leroi (Monumens de la Grèce, tome II, pages 6 et 7) les observations que ce sujet lui a donné lieu de développer.

« Supposons (dit-il) que toute la surface du Panthéon fût un mur lisse : la vue de cette surface ne nous affecteroit certainement d’aucune manière…. Considérons deux façades, l’une composée de colonnes qui touchent un mur, l’autre formée par des colonnes qui en sont assez éloignées, pour qu’elles sassent péristyle, el supposons encore que les entre-colonnes, dans l’un et l’autre cas, soient égaux et décorés de même ; on observera, dans la dernière façade, une beauté réelle dont l’autre sera privée, et qui résultera uniquement des différens aspects, ou des tableaux variés et frappans, que les colonnes présenteront au spectateur en se projetant sur le fond du péristyle qu’elles forment. Cette propriété de multiplier, sans les affoiblir, les sensations que nous éprouvous à l’aspect d’un édifice, est encore un avantage très-considérable, et qui se fait sentir bien plus fortement dans les péristyles, que dans aucune autre espèce de décoration. Une comparaison qui nous paroît frappante va le faire Voir.
« Si vous vous promenez dans un jardin, à quelque distance et le long d’une rangée d’arbres plantés régulièrement, dont tous les troncs touchent un mur percé d’arcades, la situation respective des arbres avec ces arcades ne vous paroîtra changer que d’une manière trèsinsensible, et vous n’éprouverez aucune sensation nouvelle, quoique vous ayiez eu toujours les yeux fixés sur les arbres et sur les ouvertures du mur, et qu’eu marchant vous ayiez par couru assez vite un espace considérable. Mais si cette rangée d’arbres est éloignée du mur, en vous promenant de même, vous jouirez d’un spectacle toujours nouveau, par les différens