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serré, et où la place pour bâtir coûte plus cher que la bâtisse.

C’est un autre défaut à un édifice, d’être accompagné on précédé par de trop vastes empla cemens. Une étendue démesurée d’espace, rapetisse et pour l’esprit et pour l’œil, la dimension et l’effet de l’architecture. Cet art ne consiste qu’en rapports, Nul ne demande plus d’être secondé par le parallèle des objets environnans. Deux très grands frontispices d’église, celui de Saint-Jean-de-Latran à Rome, et celui des Invalides à Paris, situés en quelque sorte hors de l’enceinte de ces villes, ont devant eux des espaces illimités, et leur valeur, sous le rapport de l’effet, s’en trouve singulièrement diminuée. Certainement le péristyle du panthéon de Rome paroitroit moins grand, et seroit moins imposant, si la place qui le précède se trouvoit agrandie.

Fixer des mesures en ce genre, seroit quelque chose de très-difficile, et l’on sent bien qu’une fort grande incertitude régneroit à cet égard, tant il y a de considérations diverses, relatives non-seulement à la dimension, mais au caractère même et au style de l’édifice, qui pourroient rendre la règle variable. On peut dire toutefois, qu’en prenant pour base la hauteur de l’édifice, il n’y auroit jamais d’inconvénient à donner en reculée à la place qui le précède, au moins deux fois cette mesure.

La troisième manière d’entendre le mot place, en architecture, s’applique à ces grands espaces qu’on laisse ou qu’on pratique au milieu des villes, avons-nous dit, pour l’agrément ou les besoins de leurs habitans.

Un de ces premiers besoins est la salubrité, et rien n’y contribue davantage, dans les villes populeuses, que ces vastes emplacemens qui donnent au vent les moyens de renouveler l’air, et où. les hommes longtemps entassés dans l’intérieur des maisons, peuvent venir respirer. Aucune ville n’a porté le luxe, si l’on peut dire, de ces sortes de places aussi loin que la ville de Londres. Ayant en l’avantage d’être rebâtie toute entière à neuf (la cité exeeptée), tous les quartiers ont été construits sur de grands alignemens, et on y a ménagé, d’espace en espace, de ces vastes places carrées, qu’on appelle squares. Leur milieu en est assez souvent occupé par de petites plantations, ordinairement enceintes d’une grille. il s’en pratique toujours de semblables dans les quartiers nouveaux, dont cette ville ne cesse point de s’agrandir, et ils en forment le principal embellissement.

Rome moderne a hérité de l’ancienne, plusieurs des places qu’on y admire. Telle est entr’autres la place Navone, qui a succédé à un grand cirque, et qui sert tout à la fois de marché, de promenade, et où les belles fontaines qui la décorent, procurent, dans les chaleurs de l’été, le moyen de la convertir en une espèce de grand lac.

Il est peu de villes qui n’aient ainsi, selon leur étendue, une on plusieurs places publiques, qui se convertissent tantôt en marché, tantôt en foires, tantôt en lieux de spectacles, de divertissement ou de promenade.

Une des plus belles places en ce genre, et qu’on ne doit pas oublier dans un Dictionnaire d’Architecture, est, sans contredit, la place de Saint-Marc à Venise, place d’autant plus remarquable par son étendue, qui est de 180 toises (en y comprenant la petite place en retour), que la ville, bâtie au milieu des eaux, n’a pu avoir que des terrains conquis par l’art sur l’élément liquide. Cette place, qui forme un grand carré-long, est environnée de magnifiques galeries dans tout son pourtour, et son architecture uniforme dans l’ensemble, quoique variée dans ses détails, offre les plus beaux modèles de la disposition, et du caractère qui conviennent aux monumens publics, et à ceux particulièrement que l’on comprend sous la dénomination de place de décoration.

C’est la quatrième acception qu’on donne au mot place dans ce sens, une place est elle-même un monument, en tant qu’on la construit sur un seul plan, avec une ordonnance régulière et symétrique, pour recevoir une statue, une colonne, une fontaine, etc.

Nous ne saurions dire, et il est peut-être douteux que les Anciens aient bâti exprès des places aussi étendues, que le sont les places modernes dont on veut parler, pour être l’encadrement, si l’on peut ainsi s’exprimer, d’une statue honorifique. Dans l’antiquité, d’après les usages, et vu l’extraordinaire multiplicité des statues, considérées comme témoignages d’honneur, de reconnoissance ou d’adulation, il est indubitable qu’il n’y auroit jamais eu assez de terrain dans aucune ville, s’il eût fallu faire des places, n’importe de quelle mesure, aux statues de tous ceux à qui on en élevoit. L’histoire grecque et romaine nous prouvent à chaque page, qu’on plaçoit les statues dans certains lieux, où elles se pressoient en quelque sorte. Les théâtres, les forum, les gymnases, les rues et les carrefours en étoient remplis. La différence des gouvernemens et des mœurs a rendu les statues honorifiques extrêmement rares. On en a fait, sous certaines formes colossales, le privilège des rois et des princes. Je veux parler des statues équestres en bronze, qui depuis la renaissance des arts, se sont multipliées dans presque toutes les grandes villes de l’Europe. Il s’en trouve à Venise, à Florence, à Modène, à Vienne, à Stockholm, à Pétersbourg, à Copenhague, à Londres.

Mais la France, surtout à partir du règne de Henri IV, a vu s’élever, tant à Paris que dans la plupart de ses plus grandes villes, les statues équestres en bronze de ses rois. Renversés par

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