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pour l’architecture, lui fit embrasser les études de cet art. Il y eut pour maître l’antiquité qui, à cette époque, se montroit encore dans une multitude de restes et de fragmens d’édifices bien conserves. Il se mit à les mesurer, les dessiner, et devint, par ses recherches et par des travaux continus ou ce genre, un digne imitateur des Anciens.

De retour à Florence, il ne s’entretenoit que de monumens antiques, il en faisoit l’objet de toutes ses conversations. De là lui vint le sobriquet de Cronaca, sous lequel il est beaucoup plus connu.

Sa réputation le fit bientôt choisir par Philippe Strozzi pour continuer le magnifique palais commencé par Benedetto da Mayano, qui avoit quitté Florence lorsque le Cronaca y arrivoit. C’est à lui qu’on doit la façade de ce palais, une des plus grandioses de toute la ville, et particulièrement le superbe entablement qui le couronne, le plus beau qu’on eût vu jusqu’alors, et qui peut-être n’a encore été surpassé par aucun autre. Aussi passe-t-il pour être un ouvrage classique en son genre, et on ne lui oppose guère que celui du palais Farnèse, à Rome, par Michel Ange. Ce ne fut pas une chose facile que d’imposer à une masse colossale, comme celle du palais Strozzi, un entablement qui joignit, à un juste accord dans les proportions, la noblesse des formes et la pureté des détails. Cronaca, il est vrai, en avoit emprunté le dessin et l’idée à un des plus beaux fragmens d’entablement antiques, dont Rome lui avoit offert le modèle. Mais, comme le remarque judicieusement Vasari, si rien n’est plus facile, en architecture, que de copier l’antique, rien n’est plus difficile que de l’imiter. Or, il ne se trouve presque jamais que l’ordonnance et la composition d’une partie d’édifice puissent se transporter identiquement sur un autre. Mille raisons, mille circonstances rendent donc toute copie moralement impossible.

Pour le prouver, le même Vasari cite l’exemple de Baccio d’Agnolo, qui voulut, a l’instar de Cronaca, placer, sur une façade de palais, le bal entablement antique, qu’on appelle, à Rome, du frontispice de Néron ; mais le palais étoit petit, et l’entablement se trouva colossal ; ce qui fit l’effet d’une énorme coiffure sur une petite tête : sopra un capo piccino una gran beretta. Il ne sert de rien, continue l’écrivain florentin, de s’excuser en disant qu’on a copié l’antique, parce qu’il y a dans toutes ces choses des rapports qu’on ne saisit point avec le compas, et dont l’œil, conduit par le goût, est le seul juge.

Cronaca travailloit à Florence dans un temps où l’ambition, des Grands étoit de faire vivre leur nom par des constructions capables de braver les siècles. Plus de trois siècles ont effectivement passé sur le palais Strozzi, et cet espace de temps semble avoir déjà prouvé que le temps n’a presque point de prise sur de semblables masses. Les faces extérieures de ce palais sont en bossages, énormes et de la pierre la plus dure ; sur un soubassement de trente-quatre pieds de haut, percé de haut, percé de huit petites fenêtres, quatre de chaque côté de la porte, s’élèvent deux étages séparés par un bandeau orné de denticules, ayant chacun de vingt-huit à vingt neus pieds de hauteur, et percés de neuf grandes arcades, formant les fenêtres dont le vide, occupé par une colonne, sépare chaque fenêtre en deux. Pour mieux laisser briller son entre-colonnement, Cronaca eut l’attention de ménager entre lui et les rangs de bossages, deux assises lisses, qui offrent à l’œil un repos, et aux ornemens des profils une opposition. L’entablement a six pieds dix pouces de hauteur.

Vasari se plaît à vanter le soin que l’architecte apporta dans sa construction, pour en lier les pierres, en pondérer les masses et en rendre l’assemblage indestructible. Le même soin, dit-il, régna dans l’appareil et l’exécution de toutes les pierres. Tout y fut traite avec une telle perfection d’assises et de joints, qu’on croiroit que le palais est d’un seul bloc.

La cour et l’intérieur de cc palais ne paroissent pas répondre à la grandeur de la masse extérieure ; mais ce manque d’accord ne doit point s’attribuer à Cronaca. Quoiqu’il puisse passer pour avoir été l’architecte de toute l’élévation, cependant il fut forcé de s’accommoder aux premières dispositions de Benedetto da Mayano. S’il en fut ainsi, comme Vasari nous l’apprend, ce ne sera peut-être point à Cronaca que s’adressera le reproche d’avoir introduit dans les trois rangs de portiques qui environnent le cortile, un ordre dorique entre deux corinthiens. Du reste, pour être peu spacieuse, cette cour est bien dégagée, et l’on y admire surtout la loggia en colonnes qui forment la galerie d’en haut, et soutiennent l’espèce d’impluvium, au-dessus duquel règne en retraite un attique de petites fenêtres quadrangulaires. D’autres critiques ont encore été faites, tant des escaliers qu’on trouva trop roides, que des appartemens qui, pour le temps, parurent au-dessous de ce qu’annonçoit et devoit promettre la masse imposante de l’extérieur. Nonobstant cela, ajoute Vasari, le palais Strozzi n’en sera pas moins réputé une des plus magnifiques constructions particulières qu’on ait vues jusqu’à nos jours en Italie. Il est encore plus certain (pouvons-nous le dire) que depuis il ne s’en est fait, ni en Italie, ni ailleurs, qui puisse seulement en approcher.

Cronaca bâtit, a Florence, la sacristie de l’église du Saint-Esprit sur un plan octogone. L’ouvrage fut exécute avec une extrême élégance, et l’on y admire la sculpture des chapiteaux, due au ciseau d’André Coutucci. Dans le même temps il éleva, sur la hauteur de San Miniato, l’église de Saint-François de l’Observance, charmant édifice que Michel Ange appeloit, dit-on, sa

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