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dans leur état extérieur. A Florence, la marbrerie en revêtissement, par bandes de marbre de deux couleurs alternatives, a. fait seule les frais de décoration de quelques portails.

Il n’est pas étonnant que l’architecture n’ait pu réussir à, faire adopter, même par les plus habiles artistes, aucun projet pour ces vastes frontispices d’église. Quand cet art manque d’un type régulateur de ses compositions pour opérer, on manque aussi, pour en juger, d’un principe fixe. Les idées des plus célèbres architectes ne pouvoient consister qu’en plucages d’ordonnances à plusieurs étages, de niches, de sculptures, de bas-reliefs et d’objets tout-à-fait arbitraires, c’est-à-dire, qu’aucune raison, aucun emploi nécessaire, ne commandoient. De là l’incertitude dans les jugemens. Enfin, il est probable que la dépense de pareils revêtissemens en fit de plus en plus ajourner l’exécution.

Palladio, dans le seizième siècle, eut l’occasion de construire à neuf quelque églises, toujours dans le système d’une nef double en hauteur de ses bas côtés, et il eut aussi l’avantage de pouvoir élever tout ensemble, et le corps de l’église et le portail qui devoit en annoncer l’entrée, en décorer le frontispice. Ce savant et judicieux architecte (comme on l’a dit à son article, voyez Palladio) eut, mieux que tout autre, le secret d’accommoder les formes de l’art antique aux besoins des Modernes. Il est encore celui qui fut le mieux suivre les Anciens, non pas en copiste, en faisant ou refaisant ce qu’ils avoient fait, mais en imitateur, homme de génie, c’est-à-dire en faisant comme auroient fait ces mêmes Anciens, si, revenant au monde, ils avoient eu à travailler pour d’autres convenances. Prenant donc, comme type voulu par le besoin du culte chrétien, la forme de construction extérieure des églises, au lieu de ces frontispices, où l’extérieur se trouve sans aucun rapport avec l’intérieur, il voulut que le dehors accusât le dedans, et qu’on pût apprendre par le portail, ce qu’étoient les parties du local interne. En cela consistent beaucoup le mérite et le plaisir de l’unité dans les monumens.

Palladio, dans presque toutes les églises qu’il projeta, et dans celles qu’il construisit a Venise, telles que les églises du Rédempteur et de Saint-Georges-Majeur, imagina, en se conformant aux deux masses extérieures, l’une de la nef, l’autre des bas cotés, d’orner la première d’un grand ordre couronné d’un fronton qui se raccordât avec le comble de la toiture. Figurant ensuite les masses rampantes de chaque bas côté, par une partie de fronton, qu’interrompt le grand ordre, il fit régner en arrière de cet ordre, la base des deux frontons interrompus par le grand ordre, et il fit volontiers supporter ce fronton, par un ordre plus petit de colonnes adossées ou de pilastres.

Le système des portails de Palladio, outre l’avantage qu’il a de se conformer à la disposition élémentaire des élévations, a encore pour la vraisemblance et la raison, celui de ne pas tromper sur l’intérieur du local. Tout ordre d’architecture indique un étage, et rien de plus contradictoire avec la réalité d’un intérieur sans étage, que cette apparence d’une pluralité d’étages, que donnent à l’extérieur, lesportails composés de plusieurs ordres, l’un au dessus de l’’outre.

Cependant il ne paroît point que l’exemple de Palladio ait été suivi par ses successeurs.

Le dix-septième siècle vit élever un très-grand nombre d’églises en Italie, et dans le reste l’Europe catholique. Presque toutes, à l’exception de quelques-unes, construites en rotonde, furent bâties, selon l’usage devenu général, d’une nef exhaussée avec des bas côtés. Alors devint aussi générale la mode des portails, ou devantures à plusieurs ordres l’un au-dessus de l’autre, pour masquer, autant qu’il seroit possible, le comble des toitures de la grande nef. La siècle qui vit bâtir ces églises, fut aussi celui ou l’esprit d’innovation acquit son plus haut degré, dans l’architecture. Alors disparut entièrement de la décoration des édifices, le principe qui tend à fonder l’agréable sur l’utile. Alors on ne visa plus (ainsi que l’a dit Fénélon) à tourner an profit de l’ornement les parties nécessaires de la construction, mais à mêler les détails de la construction, avec les détails inutiles d’une décoration arbitraire. L’accessoire devint principal, et l’on regarda tout ce qui constitue un édifice, comme la matière sur laquelle l’imagination pouvoit improviser, en se jouant, toutes les formes que le crayon savoit produire. Il n’y eut plus lieu du demander ā aucune forme sa raison, à aucune ordonnance le principe de sa disposition. Les portails ne tenant plus au type de la conformation intérieure des églises, ne furent plus que des espèces de cadres, où l’architecte étoit libre de renfermer tous les genres de caprices.

Dans les pays où se répandit le goût dominant alors en Italie, on eut moins d’occasions de bâtir des églises nouvelles, mais beaucoup plus de substituer aux frontispices des églises gothiques des portailsdans le goût moderne. Au défaut inhérent à ce manque si révoltant d’unité, se joignit celui de ne pouvoir appliquer les nouveaux frontispices, aux corps tout-à-fait disparates de la construction précédente, sans multiplier les ordres de colonnes l’un au-dessus de l’autre, sans faire d’un portail une masse en quelque sorte isolée, destinée plutôt à cacher qu’à orner l’édifice du côté de son entrée, c’est-à-dire, d’un seul point de vue.

Les églises modernes qui furent construites, à Paris dans le cours de ce siècle, virent se reproduire le genre des portails à placard ou de bas-reliefs, dont l’Italie avoit multiplié les exemples. On doit dire cependant qu’en héritant de ce goût, les architectes français surent se garantir de

Diction. d’Archit. Tome III
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