Page:Encyclopédie méthodique - Architecture, T3.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
276 REG REG


puissent satisfaire par-là l’imagination et la raison.

C’est, à la vérité, dans cet ordre de règles, que se rencontrent le plus de contradictions. Il n’y a aucun doute que la partie décorative de l’architecture, est soumise à un assez grand nombre de conventions, qui ouvrent un trop vaste champ à l’arbitraire. Cependant on ne sauroitnier que, lorsqu’on remonte à l’origine de tous les ornemens, on n’en trouve le plus grand nombre fonde sur des raisons d’utilité, ou susceptibles de se subordonner à un système raisonné. C’est donc à ceux-ci de faire la loi aux autres, et le bon sens veut, s’il doit y avoir des exceptions à la régle que ce ne soit point à la règle de céder aux exceptions.

Nous venons de parcourir, dans une théorie fort générale, les deux classes de règles, qu’il faut reconnoître en architecture, comme reposant sur des faits évidens, sur des autorités physiques ou morales, dont les sens et l’esprit ne peuvent nier l’existence.

Il n’en sera pas tout-à-fait ainsi des deux autres classes de règles dont il nous reste à parler.

Il est, avons-nous dit, une troisième catégorie de règles, qui ne reconnoissent guère d’autre principe que l’usage et les exemples, et ces règles ne sont pas celles qui, dans l’architecture, ont le moins d’observateurs. Lorsque les précédentes sont écrites dans ce grand livre de la nature, où très-peu sont en état de lire, celles-ci forment l’objet et la matière de presque tous les traités didactiques. Ces traités, en effet, ne nous offrent que l’analyse des parties de l’architecture, décomposée selon les ordres de colonnes, leurs bases, leurs chapiteaux, les profils et les membres des entablemens des piédestaux, des piédroits, des arcades ou des portes. Le résultat de ces règles est d’enseigner les mesures relatives de chacune de ces parties, d’après une certaine concordance d’exemples puisés dans les ouvrages, soit de l’antiquité, soit des Modernes. Comme l’architecture cesseroit d’être un art, si l’on pouvoit fixer d’une manière géométrique les mesures d’où dépend sa beauté, il ne faut regarder ce qu’en prescrivent ces traités, que comme une sorte de moyen terme entre le plus et le moins, ou simplement comme ces grammaires qui vous disent beaucoup mieux ce qu’il faut faire, pour éviter les erreurs grossières, qu’elles ne peuvent vous apprendre ce qui produit les beautés.

Il est visible que ces sortes de règles, qui s’occupent des détails, sont fort loin d’embrasser l’ensemble de l’art. Aussi sont-elles celles que, d’une part, observent le plus scrupuleusement ceux qui ne font de l’architecture qu’un métier, et que de l’autre, se permettent le plus de combattre, les esprits systématiques, impatiens de toute espèce de joug, et qui se refusent à re-


connoître toutes les règles de théorie, parce que celles de la pratique ne peuvent recevoir une fixité positive et mathématique.

C’est peut-être là que conduit le respect aveugle de quelques artistes, pour cette dernière classe de règles, que nous avons appelées règles de routine ou de préjugé. Si, en effet, on a vu l’architecture livrée, par le mépris de tous les genres de règles, à la folie des innovations les plus ridicules, n’être plus qu’un jeu désordonné de formes sans cause, de lignes sans suite, de contours sans objet, d’ornemens sans motifs, on peut attribuer cette manie, jusqu’à un certain point, à l’insipide monotonie où quelques esprits serviles réduisent cet art, en se traînant sans idée et sans vue, sur les traces d’ouvrages, froides repétitions eux-mêmes de tout ce qui les a précédés. Le troupeau des copistes provoque à la fin une indépendance présomptueuse, qui attribue aux règles ce qui n’est dû qu’à la fausse manière de les interpréter, de les concevoir et de les exécuter.

C’est alors qu’on entendra dire que les règles n’ont été faites que d’après les chefs-d’œuvre ; que ceux-ci, par conséquent, ayant précédé les règles, elles sont inutiles.

Mais ce raisonnement, qu’on répète si souvent, n’est souvent qu’un manque de raison. Il y a effectivement méprise dans l’emploi qu’on fait du mot règle. Entend-on par ce mot, règle écrite et rédigée en système ? D’accord. Mais est-ce que la règle n’existoit pas avant d’avoir été mise par écrit ? Est-ce que ceux qui ont produit les chefs-d’œuvre ne les avoient pas connues ? Estce que toutes les lois de la morale et de la justice n’existoient pas dans le cœur de l’homme, avant d’être devenues les articles d’un code ? Est-ce que les préceptes de la sagesse n’ont pas produit des sages, dirigeant d’après elle leurs mœurs et leur, conduite, avant d’avoir été recueillis dans les traités de quelques philosophes ? Est-ce que les rapports de beauté, de justesse et de vérité, qui soul le résultat des recherches de l’intelligence, et du génie imitateur des œuvres de la nature, n’étoient pas devenus des règles de proportion, d’harmonie et de régularité, avant d’avoir trouvé place dans les méthodes et les analyses ?

Ce n’est donc point aux règles qu’on s’en prend, mais seulement aux règles écrites. Maintenant, pourquoi ce qui étoit, ou découverte individuelle, ou tradition orale, perdroit-il de sa vertu, pour être contenu dans un livre ? Les règles, les véritables règles des arts et de l’architecture, rédigées par écrit, ne sont autre chose que la collection et le développement de certaines vérités morales, que nous avons vu être aussi incontestables, dans leur genre, que les vérités physiques. Ces vérités avoient été aperçues et connues par les auteurs des ouvrages qui ont précédé les écrivains. Mais est-il vrai que les rédac-