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OBÉ OBÉ


d’une petite dimension et taillés dans des blocs de grés, eurent des emplois moins importans, du moins comme monument de décoration. Ils pouvoient quelquefois s’élever au milieu des lacs ou des bassins, et indiquer les différentes crues du Nil. Placés encore dans les péristyles intérieurs des édifices, que l’on prend peut-être trop exclusivement pour des temples, ils pouvoient n’être que relatifs à l’histoire des rois, comme on soupçonne que cela fut dans une des enceintes du grand édifice de Carnack, où se trouve une série de huit rois, qui semble être une généalogie. Il paroit que les obélisques du port d’Alexandrie, qui y furent transportés au temps des Ptolémées, pouvoient indiquer l’entrée de la ville.

Ce qui étonne le plus, après le travail de la taille des obélisques et de la sculpture de leurs signes hiéroglyphiques, c’est la difficulté du transport et de l’érection de masses aussi considérables. Plusieurs de ceux qui existent aujourd’hui ont 80 pieds de haut. Hérodote parle d’obélisques hauts de 120 pieds. Tel étoit encore celui du roi Nectebis, que Ptolémée Philadelphe fit transporter à Alexandrie. Pline nous donne, à cette occasion, quelques notions sur les moyens de transport qu’on dut souvent employer en Égypte.

On creusa d’abord un canal qui, partant du Nil, alloit passer sous l’obélisque couché à terre, qu’il s’agissoit d’enlever. On remplit ensuite deux grandes barques de pierres, jusqu’à ce que leur poids fût double de celui de l’obélisque. Ainsi chargées, ces barques enfoncèrent dans l’eau du canal, pour pouvoir passer sous l’obélisque, dont les deux extrémités portoient sur les rives du canal. On vida ensuite les barques, jusqu’à ce que déchargées de leur poids, et forcées de remonter, elles soulevèrent l’obélisque qu’il fut alors facile de conduire sur les eaux du Nil.

Le Nil traversant toute l’Égypte, les carrières étant peu éloignées de ce fleuve, et la plupart des villes, ainsi que leurs temples, étant situées sur ses bords, il est probable que l’eau fut le conducteur ordinaire de presque toutes les masses, dont le transport par terre eût coûté des peines et des dépenses incalculables.

Mais les masses des obélisques une fois arrivées aux lieux où il falloit les ériger, quels moyens employoit-on à cet effet ? C’est la-dessus qu’on n’a aucune notion. Y avoit-il de puissans moyens mécaniques alors connus et oubliés depuis ? D’ingénieux procédés suppléoient-ils aux ressources de la science, ou bien la force des bras, le temps et la patience venoient-ils au secours des architectes d’alors ? Chacun peut faire la-dessus des conjectures. Le peu d’occasions qu’ont eu les Modernes de s’exercer à de pareils tours de force, fournit encore peu de lumières à la divination en ce genre.

Quelles qu’aient été les raisons ou les causes qui portèrent ou engagèrent les Egyptiens à faire et à multiplier chez eux les obélisques, on est à peu près certain que le plus grand nombre de ces raisons n’influèrent point sur le goût de ceux qui, dans la suite, firent sortir ces monumens de leur paya natal. On entend ici parler de la signification religieuse, politique ou morale que leur avoit donnée le peuple qui se livra à de tels travaux : car il faut reconnoître qu’il ne se fait jamais rien de grand sans une grande raison. Or, il nous paroît que c’est cette raison sur laquelle on n’a que des conjectures, qui fut particulière aux Egyptiens, et qui ne sortit pas de l’Égypte.

Nous ne voyons point, par exemple, que cette sorte de monumens ait fait partie de ceux auxquels le génie des Grecs donna naissance, ou qu’il put naturaliser chez lui. On ne croit pas que, parmi les ruines nombreuses de la Grèce, on ait jamais découvert des fragmens d’obélisques. Il est certain que ce pays ne fut en aucun temps vis-à-vis de l’Égypte, non-seulement dans le cas de lui enlever ses monumens, mais même de lui en emprunter le goût. Les petits États qui se partageoient le territoire déjà peu étendu de la Grèce, n’eurent jamais les moyens de faire les dépenses d’un luxe qui auroit été pour eux sans plaisir, comme sans objet. La principale valeur des obélisques, du moins pour les yeux et pour l’opinion, consistant à être des masses énormes d’un seul morceau, tous les pays n’ont pas de ces carrières qui permettent d’y tailler à volonté des pierres d’une grandeur démesurée. Si les Grecs inscrivirent sur des stèles leurs lois, les actes de leurs gouvernemens, ils se contentèrent de pierres d’une dimension médiocre. Il est vrai de dire aussi que le genre d’écriture littérale n’exigeoit pas, chez eux, d’aussi grands espaces ; les caractères alphabétiques pouvant dire les mêmes choses que les signes hiéroglyphiques, avec vingt fois moins d’étendue en superficie.

Le mot obelos, qu’on trouve chez Pausanias, employé à décrire l’espèce de balustrade de l’antre de Trophonius, a pu exprimer quelques formes d’ornemens semblables à celles des obélisques, mais il ne prouve rien en saveur de l’emploi que les Grecs en auroient fait, comme monumens publics. Les colonnes, chez eux, ont dû souvent jouer le même rôle.

Il n’y a aucune autorité contraire à tirer de l’obélisque de granit octogone porté dans la ville de Catané, sur un éléphant de lave, qui paroit lui-même être un ouvrage antique. Cet obélisque ne fut pas le seul que posséda cette ville, et le Muséum du prince de Biscari renferme les fragmens d’un autre, qui paroît lui avoir servi de pendant. Rien autre chose à conclure de-là, sinon que les Romains y auront, n’importe dans quel temps, transporté ces deux morceaux, pour en orner le cirque de cette ville.

Ce sera pour le même objet qu’aura été trans-