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le terrain inférieur, et plan, à recevoir le forum (ou la place publique). Au milieu de la pente sur laquelle le reste de la ville étoit construite, il fit pratiquer une grande et large rue. C’est là que fut bâti ce magnifique monument qui fut le tombeau de Mausole, et qui porta son nom, ouvrage placé au nombre des sept merveilles du monde. Au milieu de la citadelle placée tout en liant, il construisit le temple de Mars, célèbre par la statue colossale acrolythe du Dieu, sculptée par Télocharès. Les deux cornes de cette espèce de théâtre formé par la nature, Mausole les destina à recevoir, d’un côté le temple de Vénus, et de l’autre son propre palais. Telle étoit la disposition de ce palais, qu’il avoit vue, du côté droit, sur la place publique, sur le port, et généralement sur tous les remparts rie la ville. A la gauche il regardoit sur un antre port caché par les montagnes, en sorte que nul ne pouvoit voir ce qui s’y faisoit. Le roi seul de son palais pouvoit donner les ordres aux soldats et aux matelots, sans que personne le sût. »

Voilà, ce nous semble, les seules notions descriptives de villes antiques considérées sous le rapport de leur disposition et de leur aspect, que les écrivains nous aient transmises. En vain en chercheroit-on de semblables dans le voyage de la Grèce par Pausanias. Ce voyageur embrassa, dans son ouvrage, trop de parties importantes, et d’un plus grand intérêt, que ne le sont des détails pittoresques ou descriptifs, pour qu’on puisse se plaindre qu’il ait négligé de satisfaire, sur le point qui nous occupe, la curiosité de son lecteur. Cet esprit de description si fort répandu depuis peu, dans la littérature moderne, ne paroît guère avoir été du goût des Anciens. Dans le fait rien de plus inutile au fond, parce que rien n’est plus difficile, pour ne pas dire impossible, que de faire passer dans l’imagination, par le seul secours des paroles, une idée claire d’objets, d’effets, de rapports qui doivent s’adresser aux yeux, ou parler à l’esprit au moyen d’un plan dessiné.

C’est effectivement, au plau de l’ensemble des bâtimens, des places, et des rues d’une ville, qu’il appartient, de faire juger de ses dispositions, et de nous apprendre, si les constructions ont été soumises, dès le principe, à un ordre régulier et symétrique, ou si résultats primitifs de causes fortuites, et de rapports accidentels, l’ordonnance et les distribuions de cette ville se sont combinées au gré d’une multitude de convenances isolées et particulières. Or, comme on l’a déjà fait voir, des raisons qui tinrent aux régimes divers et aux constitutions de beaucoup de pays, ayant produit le besoin de villesnouvelles, pour les colonies que l’excédant de population obligeoit de fonder, il fut naturel que ces villes reçussent, dés leur fondation, l’avantage de se Conformer à un plan déterminé.


Mais on se tromperoit si l’on étendoit l’effet de cette circonstance aux antres villes. Une ville antique, ensevelie il y après de dix-huit siècles, sous les éruptions du Vésuve, a été dans le siècle dernier rendue à la lumière. Je parle de la ville de Pompeia dont les principaux édifices et les habitations particulières, en grande partie ruinés dans ce qui formoit leur élévation, est aujourd’hui intacte et visible, pour tout ce qui constituoit son plan, en sorte qu’il est plus facile de retracer aujourd’hui cette ville, ou du moins ce qui en est découvert jusqu’à ce jour, dans son iconographie, qu’il ne l’eût été, lorsqu’elle étoit entière et habitée.

Un architecte français (M. Bibent) s’est livré pendant plusieurs années, sur les parties découvertes de Pompeia, et malgré toutes sortes de difficultés et d’obstacles, à relever, avec une entière et précieuse exactiude, les plans fidèles des édifices, des maisons, des places et des rues de la ville. Ce qu’il en a publié peut faire au moins le tiers de son enceinte. D’après ce plan, il est aisé de se faire une juste idée de sa disposition élémentaire. Or il est sensible que Pompeia ne fut pas du nombre de ces villes qui furent établies sur un plan uniforme. On n’y voit pas cette distribution de rues, aboutissant régulièrement de chacune des portes, au point central de la place publique, ou de forum. On n’y voit pas que les rues transversales aient coupé les autres à angles droit. On n’y voit pas que les grandes rues aient été toutes alignées et tirées au cordeau. Les monunmens publics même ce paroissent point avoir servi de point de vue, à quelque place importante, à quelqu’avenue correspondante. Ces monumens, au contraire, semblent s’être arrangés, comme l’un après l’autre, dans des espaces souvent biais, et s’être adaptés à toutes les sujétions du local. On ne sauroit dire que les rues offrent de ces contours sinueux qui, dans beaucoup de villes modernes, attestent le manque de direction donnée par l’outorité aux bâtisses successives, que produit le luxe ou l’augmentation de population. Quelques-unes des rues de Pompeia éprouvent des déviations, qui toutefois ont lieu par des lignes droites. Les grandes rues sont alignées. Mais l’ensemble de la ville ne porte aucunement le caractère de régularité, que peut seul offrir un plan fait d’avance.

On peut dire à l’égard des villes modernes, qu’on en compte très-peu qui aient eu, dès leur origine, l’avantage d’un semblable plan, et qui ne soient un produit très-incohérent de principes ou divers, ou contraires. On conçoit que cela dut arriver à des villes très-anciennes, qui se sont perpétuées, en s’étendant et se modifiant sans cesse, de siècle en siècle, au gré des changement que le temps amène dans les usages et dans les formes d’une société. Ainsi peut-on, dans quelques villes, et Paris est de ce nombre, suivie depuis plusieurs siècles, l’histoire de leurs pro-