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de support à la terre. Ainsi et les murs selon Diodore, et les piliers selon Strabon et Quinte-Curce, au lieu de porter des voûtes ne supportoient que des plates -bandes en pierres.

De là on a conclu que chez les Chaldéens, au temps de Sémiramis, on ne connoissoit pas l’art de faire des voûtes. Conclusion, comme l’on voit, beaucoup trop absolue, puisqu’elle ne repose que sur un exemple négatif.

Nous en dirons autant de la Perse, d’après les restes des monumens de Tchelminar ou Persépolis. Quel qu’ait été l’emploi de ces grandes galeries, dont un assez bon nombre de piliers ou de colonnes sont encore debout, on ne sauroit supposer que des couvertures en voûte y aient pu être imposées. Ces singulières colonnes ne paroissent point avoir eu d’autre objet que de soutenir des poutres, qui, en se croisant, formoient les compartimens des plafonds, servant de couverture à des espèces de péristyles élevés, pour qu’on eût l’avantage de communiquer à couvert d’un édifice à un autre. La manière dont quelques-unes de ces colonnes sont terminées par des euroulemens et des têtes d’animaux, qui laissent entr’eux des supports et des espaces, pour placer des poutres, pourroit servir d’appui à cette conjecture. Cette disposition est indiquée par les tombeaux de Naxi Rustan, selon Chardin et Corneille Le Brun. On y voit la représentation des poutres placées entre les tâtes de bœus et de cheval cornu, qui tiennent lieu de chapiteaux aux colonnes. On trouve encore aujourd’hui à Ispahan, et en plusieurs endroits de la Perse, des bâtimens de ce genre destinés à prendre le frais. Ils ont des plafonds à compartimens, faits avec beaucoup d’art, et soutenus par des colonnes fort déliées en bois peints, ainsi que les plafonds.

D’un aussi petit nombre de notions, il semble qu’on ne peut inférer rien autre chose, sinon qu’on ne trouve point de vestige de voûte dans l’unique fragment d’édifice de Persépolis, ce qui est fort loin d’entraîner la conséquence que les Perses n’ont pas fait de voûtes.

Il n’existe certainement aucune région de l’antiquité qui ait conservé autant de monumens des âges passés que l’Egypte, et où l’on rencontre autant d’édifices, soit entiers, soit avec des portions si bien conservées, qu’elles ne laissent aucun doute sur la manière de suppléer ce qui manque. Or, voici ce que nous écrivions vingt ans avant que l’expédition d’Egypte eût, en quelque sorte, transporté chez nous toute l’architecture égyptienne. (Voyez de l’état de l’architecture égyptienne, etc. )

« Ce qu’on peut dire, c’est qu’il résulte de toutes les relations des voyageurs, deux points, dont l’un, qui est de fait, paroît certain ; l’autre, qui n’est que de conjecture, est aujourd’hui fort probable. »

« A l’égard du fait, on peut affirmer, non que


les Egyptiens n’ont pas fait de voûtes, mais qu’on n’en rencontre point dans ce qui reste de leurs constructions, et qu’on n’y découvre ancunes formes, aucunes parties de bâtiment, dont les pierres soient taillées en claveaux ou voussoirs, de manière à se soutenir en l’air l’une par l’antre. Il est bien vraisemblable que s’il existoit des voûtes dans les ruines de l’Egypte, les voyageurs n’auroient pas manqué d’en faire mention. Or, les uns n’en parlent point, les autres citent des ouvrages en ce genre, qui appartiennent aux Romains, et enfin le plus instruit d’entr’eux (Pococke) asfirme qu il n’y en a point vu. »

« A l’égard du second point, celui de conjecture, nous pensons qu’on peut présumer, avec beaucoup de raison, que les Egyptiens n’en firent pas, ou que du moins, d après le système de leur architecture, et plus encore d’après leurs procédés de construction, ils ne durent point faire de véritables voûtes. »

« Ce seroit en effet une grande méprise, que d’alléguer en faveur de l’art des voûtes en Egypte, ce qui, au contraire, en prouveroit l’ignorance, comme, par exemple, les galeries de la grande pyramide. Les unes sont couvertes, ce qu on appelle en dos d’âne, par la réunion de deux dalles de pierre inclinées, et formant dans leur rencontre un angle aigu. Les autres n’offrent une apparence de voûte que parce que les pierres sont placées en encorbellement les unes sur les autres. »

« Tout au plus donc, pourroit-on dire, d’après ces exemples, que les constructeurs de la grande pyramide auroient eu la velléité de faire des voûtes. Esfectivement, ces couvertures à pierres en saillie les unes sur les autres, annoncent qu’ils auroient eu besoin d’en faire. Pococke pense que cela auroit dû les conduire à cette invention, parce qu’il n’eût été question que de donner à ces pierres la figure d’un segment de cercle, et de tailler coniquement la pierre supérieure en l’emboîtant, au lieu de la poser à plat par dessus les autres. Mais Pococke ne fait là que définir l’opération géométrique de la coupe des pierres dans l’art des voûtes ; et cette opération, en apparence si voisine de la pratique routinière de l’Egypte, laquelle sans doute devoit y conduire, en est cependant séparée de toute la distance, qui sépare en tout genre les essais au les premiers pas, du but auquel ils tendent. »

Ce n’est pas toutefois, qu’il faille nécessairement à l’esprit ou à l’industrie de l’homme, autant de siècles qu’on le pense pour atteindre certains points de perfection. Quand on accorderoit que l’Egypte (nous parlons de l’antique Egypte et non de celle des Grecs et des Romains) auroit continué pendant des siècles à construire ses monumens en pierre, sans y faire des voûtes, il fau-