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Tout art pouvant ainsi agir sur nos sens et sur notre esprit par des moyens divers, comme on le voit, en les considérant dans leurs agens mécaniques ou extérieurs, l’architecture doit donc, par le concours de ses formes, par l’emploi diversement modifié de la matière qu’elle met en œuvre, exciter en nous des impressions flatteuses ou non, des sensations pénibles ou agréables.

Or l’emploi des vuides et des pleins est, entre tous les moyens que nous avons appelés mécaniques ou extérieurs, un de ceux dont l’action est tout à la fois la plus certaine et la plus facile à démontrer. Ainsi un grand mur, formé de bossages fort saillans et sans presqu’aucune ouverture, fait à lui seul et compose la façade de la prison de Newgate à Londres, et toutes les idées pénibles que le mot de prison réveille en nous, paroissent écrites sur cette façade, tout le monde en est frappé ; s’il y avoit dans son élévation des fenêtres et des ouvertures nombreuses, l’effet dont on a parlé n’existeroit plus.

L’effet qui résulte si diversement de l’emploi des vuides et des pleins dans les édifices, s’explique si l’on veut par celui de monotonie ou de diversité. L’un et l’autre effet doit s’attacher au caractère différent de chaque édifice, et la monotonie y est un mérite quand l’édifice la commande. Tel est l’effet de pyramide pour un monument sépulcral. Mais nous ne considérons ici cet effet que sous le rapport matériel et sur son action sur le sens extérieur. Pourquoi, indépendamment de toute autre considération morale, la pyramide vous affecte-t-elle du sentiment de la monotonie ? On convien-


dra que cela est dû en partie à sa forme entièrement symétrique et privée de toute espèce de détails. Mais, n’en doutons pas, le manque absolu de tout vuide complète l’impression. Supposez-y des ouvertures, cette impression disparoîdra.

C’est ce même sentiment de diversité spécialement lié à la multiplicité des vuides dans toute espèce d’édifice, qui nous fait trouver du plaisir à l’emploi que l’architecture en fait, tant à l’extérieur que dans l’intérieur des monumens dont le caractère est d’accord avec cet emploi. De là le plaisir que nous procure la disposition de colonnes nombreuses. L’instinct de l’organe de la vue se trouve satisfait dans une semblable disposition qui excite notre curiosité. Les applications de cette théorie seroient nombreuses ; mais nous croyons en avoir assez dit à l’esprit, qui ne veut pas non plus qu’on lui dise tout, et qui aime à comprendre au-delà de ce qu’on lui présente, comme l’œil se se plaît à vouloir voir au-delà de ce qu’on lui montre.

On pousseroit an reste les conséquences de cette théorie beaucoup trop loin, si l’on prétendoit que l’architecte doive toujours subordonner ses conceptions aux résultats que nous avons indiqués. Beaucoup d’autres besoins réclament son attention, et il y auroit quelque puérilité, soit à régler les compositions, soit à mesurer l’estime qu’on doit en faire, sur ce seul point de vue. Nous n’avons prétendu qu’expliquer entre beaucoup d’autres causes des impressions produites par l’architecture, celle qui, dans bien des cas, résulte d’un emploi intelligent des vuides et des pleins