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demanda les plans d’un théâtre qu’on vouloit construire dans la grande salle de la Maison de ville, pour y représenter la tragédie d’Œdipe. A Venise, il éleva un théâtre que décora Frédéric Zaccaro : on le conserva long-temps comme modèle en son genre, jusqu’à ce qu’un incendie eut consumé la plus grande partie des bâtimens du monastère où il étoit situé.

Palladio eut encore d’assez fréquentes occasions de déployer les richesses de son imagination, dans les fêtes publiques auxquelles divers événemens donnèrent lieu de son temps. C’est alors qu’on le voyoit reproduire en monumens temporaires, toutes les magnificences de l’architecture antique : arcs de triomphe, colonnes triomphales, obélisques, fontaines, groupes de figures, colosses de tout genre. Le passage de Henri III par Venise, lorsqu’il quitta la Pologne pour monter sur le trône de France, donna aussi lieu à des réjouissances, dont le génie de Palladio fit les frais. La représentation de cette entrée triomphale s’est conservée dans un tableau d’André Vicentino, et fut décrite par Marsilio della Croce.

Un événement désastreux, arrivé en 1567, le mit dans le cas de montrer son talent dans un autre genre. La Brenta débordée ayant renversé le pont de Bassano, Palladio composa le dessin d’un nouveau pont en pierres, dont on voit la figure au chapitre IV du 3e. livre de son Traité d’Architecture. L’énormité de la dépense effraya les habitans : on se réduisit à lui demander un pont de bois, qui fut exécuté en 1570, et dont on voit la figure au chapitre IX du livre susdit. Ce pont de cent quatre-vingts pieds de long sur vingt-six de large, est d’une simplicité remarquable. Il est couvert d’une galerie à jour, supportée par des colonnes qui servent aussi à l’agrément du coup d’œil.

Palladio étoit aussi instruit dans l’art de l’antique architecture, que dans la science de la construction des Anciens et de leurs procédés mécaniques de charpente. Ayant lu, dans les Commentaires de César, la description du pont de bois que ce grand capitaine avoit fait jeter sur le Rhône, il essaya d’en réaliser, par le dessin, les savantes combinaisons, dans un pont, dont on peut voir, au livre déjà cité, les intéressans détails. On y admire encore le projet d’un pont de magnificence, pour une grande capitale. Palladio pensoit à Venise, et ce pont auroit dû être celui de Rialto, qu’on projetoit depuis long-temps de construire en pierres sur le grand canal. Déjà Michel Ange et Fra-Giocondo avoient présenté des dessins pour ce projet toujours resé sans exécution. D’autres concurrens se mirent sur les rangs, et on compte dans le nombre Sansovino, Scamozzi, Vignole, Palladio et Ant. Delponte. Le modèle de ce dernier fut préféré ; ce qui prouve que le résultat de la concurrence n’est pas toujours, en pratique, ce qu’on se le figure en spéculation.

Nous avons cru devoir supprimer, dans cet article, l’énumération très-inutile, si elle n’est accompagnée de descriptions, et la description toujours insuffisante sans le dessin qui parle aux yeux, des innombrables projets de palais ou de maisons de campagne, exécutés par Palladio, dans tout le territoire de Venise, et dans toutes les villes voisines. Le choix de quelques-uns de ces édifices n’eût pus été moins embarrassant, et chacun auroit pu se plaindre de la préférence qu’on auroit donnée à l’un au préjudice de l’autre. Il nous a semblé plus convenable de faire ressortir le goût de l’artiste, et d’indiquer l’influence qu’il a exercée sur toute l’Europe, par la manière ingénieuse, facile et agréable, dont il a su appliquer les formes de l’art antique aux besoins et aux sujétions des usages modernes.

Nous nous sommes donc bornés à parcourir ses nombreux travaux, sous le rapport qui peut le mieux en faire sentir le mérite, Nous n’avons point omis toutefois de faire une mention particulière des principaux monumens sur lesquels sa réputation se fonde avec plus d’éclat. Il nous reste à parler de celui qui occupa les dernières années de sa vie, et dans lequel il s’est montré le digne émule et continuateur des architectes grecs et romains.

Nous voulons parler du théâtre olympique de Vicence.

L’académie olympienne de cette ville venoit de remettre en honneur le théâtre des Anciens, dans des imitations faites en italien, des œuvres des poëtes grecs et romains. C’étoit pour de semblables représentations, comme pour la Sophonisbe de Trissino, que Palladio avoit élevé, en plus d’un endroit, des théâtres temporaires. L’académie, fatiguée d’avoir à changer sans cesse de lieu, résolut d’établir, dans son emplacement, un théâtre fixe et durable. Comme tout étoit à l’antique alors, pièces, sujets, mœurs et facture des poëmes ; l’idée d’imiter aussi l’antique dans la construction, la forme et la décoration, tant de la scène pour les acteurs, que du théâtre pour les spectateurs, fut une idée toute simple et toute naturelle. Vicence possédoit encore l’artiste le plus versé dans l’intelligence de l’antiquité, sur ce point, et qui avoit déjà fourni à Daniel Barbaro, pour son Commentaire sur Vitruve, les lumières que la pratique et l’étude de cette partie lui avoient fait acquérir.

Palladio fut donc chargé de cette entreprise, où il montra autant de savoir que d’intelligence ; mais surtout il y fit preuve, comme dans tout le reste, de ce bon esprit qui sait accommoder aux lieux, aux terrains, aux sujétions données, les types et les formes des modèles antiques. Gêné par le terrain, Palladio s’écarta des règles de Vitruve, dans la formation de son théâtre, auquel