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douce, pénètre peu à peu toute la masse des châtaignes, ouvre les pores de leur écorce, & fait sortir une partie considérable de l’humidité qui entre dans leur composition ; c’est ce que l’on appelle faire suer les châtaignes. On tes dispose ainsi à se débarrasser, sans obstacle, du reste de cette humidité, lorsqu’on augmente le feu pour achever leur dessiccation.

Pendant que les châtaignes suent, ce qui dure environ quinze jours, on les voit dans un état de moiteur générale, couvertes d’eau de tous côtés : on a grand soin pour lors de ne pas pousser le feu, & de ne pas remuer les châtaignes avant qu’elles soient essuyées totalement.

L’attention de ménager le feu pour faire suer les châtaignes comme il convient, est une de celles qui contribuent le plus au succès de l’opération. Dans certaines provinces, j’ai été témoin du mauvais effet que produisoit le feu poussé trop vivement dans les commencemens. J’ai vu qu’une chaleur trop forte saisissoit les châtaignes, resserroit les pores de leurs écorces, qui, dans cet état, étoient moins propres à laisser évaporer l’eau dont le développement & le séjour corrompoit bientôt la substance farineuse des châtaignes.

Lorsque les châtaignes ont cessé de suer, & qu’elles n’ont plus de moiteur à leur surface, on commence à les remuer dans tous les sens avec une pelle de bois, en ramenant à la surface celles qui sont dessous : l’on recommence cette manœuvre tous les deux jours ; & l’on a soin pour lors d’augmenter le feu par degrés, en obfêrtaat cependant qu’il produise beaucoup de fumée & peu de flamme.

On doit avoir attention de ne pas charger le grillage d’une trop grande quantité de châtaignes : on n’en met pas ordinairement plus d’un pied & demi d’épaisseur sur toute la surface, quand on en met davantage, l’action du feu & de la fumée n’atteignant qu’une partie du tas, il en résulte plusieurs inconvéniens. Alors il est difficile que les châtaignes suent bien également ; & comme on est obligé de presser le feu pour que la chaleur pénètre à un certain degré dans les couches supérieures, les châtaignes de la première couche qui reposent sur les lattes, & qui sont les plus exposées au feu, s’échauffant trop, s’altèrent, prennent une couleur roussatre, & sont amères & de mauvais goût après qu’on les a fait cuire. Il vaut donc mieux, lorsqu’on a recueilli une grande quantité de châtaignes, les sécher à deux fois, que de s'exposer à les gâter en chargeant trop le séchoir.

On évite en partie ces inconvéniens par cette méthode : on met d’abord sur la claie une couche peu épaisse de châtaignes : on les fait suer avec les précautions que nous avons exposées ci-dessus. Dès qu’elles ont sué, on suspend le feu une demi-journée pour laisser refroidir les châtaignes. Le lendemain on les lève par tas, & l’on couvre les parties de la claie dégarnies de châtaignes qui ont sué, avec de nouvelles châtaignes fraîches ; ensuite on étend les chataîgnes qui ont sué par dessus les châtaignes fraîches ; puis on recommence à faire le feu, & on le gouverne comme il convient pour faire suer les nouvelles châtaignes. Par ce moyen, une quantité considérable de châtaignes placées successivement & par parties sur la claie, se trouve avoir sué également, parce qu’elle a éprouvé de la même manière les effets d’un feu doux ; & comme, par la suite, on remue chaque jour la masse totale des châtaignes, elle peut, par un feu gradué & soutenu, éprouver, dans toutes ses parties un égal degré de dessiccation.

Pour reconnoître si les châtaignes sont sèches, on en prend au hasard sur la claie quelques-unes qu’on dépouille de leur peau, laquelle doit être cassante & se détacher aisément : on met ces châtaignes sous la dent, & si elles resistent sans céder à l’effort que l’on fait pour les partager, elles ont acquis le degré suffisant de dessiccation. Il est encore plus sûr d’en soumettre une certaine quantité, comme un boisseau, à une opération que nous allons décrire, de par laquelle on dépouille les châtaignes sèches de leurs peaux.

Je dois faire remarquer ici que les particuliers qui n’ont pas une grande récolte de châtaignes, suppléent au séchoir, en garnissant de claies la cheminée de leur cuisine, dont le tuyau, fort large, s’évase beaucoup par la partie inférieure : on place sur ces claies autant de châtaignes qu’elles en peuvent contenir, & l’on se règle sur ce que nous avons dit ci-dessus pour tout ce qui concerne l’administration du feu.

Art. III. Manière de dépouiller les châtaignes sèches de leurs peaux.

Après que les châtaignes sont sèches, on éteint le feu & l’on bouche exactement les ouvertures du séchoir : on ouvre ensuite la portion de grille mobile dont nous avons parlé, & l’on fait tomber à l’un des coins du séchoir une certaine quantité de châtaignes. Dans les provinces où l’on conserve les châtaignes sèches avec leurs peaux, on les enlève à mesure ; mais dans celles où on les bat pour les dépouiller de leur peau, on les laisse entassées, afin qu’elles conservent leur chaleur plus long-temps, & qu’elles ne soient pas refroidies & un peu ramollies lorsqu’on exécute le battage ; aussi cette opération se fait-elle avec le plus de célérité qu’il est possible.

Pour cela, on dresse dans le séchoir & sur la même ligne des troncs de châtaigniers en forme de tables bien unies, dont le nombre, ainsi que celui des hommes employés à cette opération, soit proportionné à la quantité de châtaignes qu’il faut dépouiller de leurs peaux. On a l’attention de multiplier les ouvriers de manière que les châtaignes soient dépouillées de leur peau dans deux fois vingt-quatre heures, pour que les peaux se brisent plus aisément & se détachent plus complètement de la substance des châtaignes ; c’est pour cela qu’on renouvelle le tas de châtaignes à mesure qu’il diminue & avant qu’il soit épuisé, & qu’on a soin aussi d’en-

Arts & Métiers. Tome I. Partie II.
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