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& de pozzolane comme auparavant, & alternativement un lit de l’un & un lit de l’autre.

Par la propriété de ces différentes poudres, il se forme aussitôt un mastic qui rend cette maçonnerie indissoluble, & aussi solide qui si elle avoit eté faite avec beaucoup de précaution ; car quoique la grandeur des eaux & les crues de la mer empêchent qu’on ne puisse travailler de suite, cependant on peut continuer par reprises, sans que cela fasse aucun tort aux ouvrages.

Lorsque l’on aura élevé cette maçonnerie au dessus des eaux, ou au rez-de-chaussée, on peut la laisser pendant quelques années à l’épreuve des inconvéniens de la mer en la chargeant de tous les matériaux nécessaires à la construction de l’édifice, afin qu’en lui donnant tout le poids qu’elle pourra jamais porter, elle s’affaisse également & suffisamment par-tout.

Lorsqu’au bout d’un temps on s’apperçoit qu’il n’est arrivé aucun accident considérable à ce massif, on peut placer un grillage de charpente, & bâtir ensuite dessus avec solidité, sans craindre de faire une mauvaise construction.

Il seroit encore mieux, si l’on pouvoit, de battre des pilots autour de la maçonnerie, & de former un bon empâtement, qui garantirait le pied des dégradations qui pourroient arriver dans la suite.

On peut encore fonder dans l’eau d’une autre manière, en se servant de caissons, qui ne sont autre chose qu’un assemblage de charpente & madriers bien calfatés, dans l’intérieur desquels l’eau ne sauroit entrer, & dont la hauteur est proportionnée à la profondeur de l’eau où ils doivent être posés, en observant de les faire un peu plus hauts, afin que les ouvriers ne soient point incommodés des eaux.

On commence par les placer & les arranger d’alignement dans l’endroit où l’on veut fonder ; on les attache avec des cables qui passent dans des anneaux de fer attachés dessus ; quand ils sont ainsi préparés, on les remplit de bonne maçonnerie.

A mesure que les ouvrages avancent, leur propre poids les fait enfoncer jusqu’au fond de l’eau ; & lorsque la profondeur est considérable, on augmente leur hauteur avec des hausses, à mesure qu’elles approchent du fond : cette manière est très en usage, d’une grande utilité, & très-solide.

Des fondemens sur pilotis.

Il arrive quelquefois qu’un terrain ne se trouvant pas assez bon pour fonder solidement, & que voulant creuser davantage, on le trouve au contraire encore plus mauvais : alors il est mieux de creuser le moins que l’on pourra, & poser dessus un grillage de charpente, assemblé comme nous l’avons vu précédemment, sur lequel on pose quelquefois aussi un plancher de madriers ; mais ce plancher ne paraissant pas toujours nécessaire, on se contente quelquefois d'élever la maçonnerie sur ce grillage, observant d’en faire les paremens en pierre jusqu’au rez-de-chaussée, & plus haut, si l’ouvrage étoit de quelque importance.

Il est bon de faire régner autour des fondations sur le bord des grillages, des heurtoirs ou espèces de pilots, enfoncés dans la terre au refus du mouton, pour empêcher le pied de la fondation de glisser, principalement lorsqu’il est posé sur un plancher de madriers, & par-là prévenir ce qui est arrivé un jour à Bergue-Saint-Vinox, où le terrain s’étant trouvé très-mauvais, une partie considérable du revêtement de la face d’une demi-lune, s’est détachée & a glissé tout d’une pièce jusque dans le milieu du fossé.

Mais lorsqu’il s’agit de donner encore plus de solidité au terrain, on enfonce diagonalement dans chacun des intervalles du grillage, un ou deux pilots de remplage ou de compression sur toute l’étendue des fondations ; & sur les bords du grillage, des pilots de cordage ou de garde près-à-près, le long desquels on pose des palplanches, pour empêcher le courant des eaux, s’il s’en trouvoit, de dégrader la maçonnerie.

Palladio recommande expressément, lorsque l’on enfonce des pilots, de les frapper à petits coups redoublés, parce que, dit-il, en les chassant avec violence, ils pourroient ébranler le fond.

On achève ensuite de remplir de charbon, comme dit Vitruve, ou, ce qui vaut encore mieux, de cailloux ou de moellons à bain de mortier, les vides que la tête des pilots a laissés : on arrase bien le tout, & on élève dessus les fondemens.

Pour connoître la longueur des pilots, que Vitruve conseille de faire en bois d’aune, d’olivier ou de chêne, & que Palladio recommande sur-tout de faire en chêne, il faut observer, avant que de piloter, jusqu’à quelle profondeur le terrain fait une assez grande résistance, & s’oppose fortement à la pointe d’un pilot que l’on enfonce exprès.

Ainsi, sachant de combien il s’est enfoncé, on pourra déterminer la longueur des autres en les faisant un peu plus longs, se pouvant rencontrer des endroits où le terrain résiste moins & ne les empêche point d’entrer plus avant. Palladio conseille de leur donner de longueur la huitième partie de la hauteur des murs qui doivent être élevés dessus ; lorsque la longueur est déterminée, on en peut proportionner la grosseur en leur donnant, suivant le même auteur, environ la douzième partie de leur longueur, lorsqu’ils ne passent pas douze pieds, mais seulement douze ou quatorze lorsqu’ils vont jusqu’à dix-huit ou vingt pieds ; & cela pour éviter une dépense inutile de pièces de bois d’un gros calibre.

Comme ces pilots ont ordinairement une de leurs extrémités faite en pointe de diamant, dont la longueur doit être depuis une fois & demie de leur diamètre jusqu’à deux fois, il faut avoir soin de ne pas leur donner plus ni moins ; car lorsqu’elles ont plus, elles deviennent trop foibles & s’émoussent

Arts & Métiers. Tome IV, Partie I.P p