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bile amant que peintre célèbre, il ne moula le premier avec du plâtre le visage de personnes mortes ou vivantes, que pour fixer des traits qui s’échappent, choisir les formes les plus beureuses, embellir & copier plus sûrement la nature.

Cette découverte s’applique bientôt à l’art lui-même ; on connoit le prix des chef-d’œuvres de antiquité, on déterre les ruines précieuses, on étudie ces modèles. Le Rosso, le Primatice, paroissent ; ils ressucitent, pour ainsi dire, ces morceaux jusqu’alors ensevelis ; ils moulent quantité de statues, de bustes, de bas-reliefs antiques, &c. richesses se multiplient, & chacun jouit de copies précieuses & fidelles, dont les originaux ne peuvent se déplacer.

Alors François Ier, juste appréciateur des talens, attire en France les artistes célèbres. Ils y viennent chargés de leurs trésors. Fontainebleau l’embellir de statues jetées en bronze. Les Gougeon, les Pileur étudient l’art devenu pour eux une seconde nature plus sûre que la première ; leur goût se développe, leur génie s’enflamme, & la France se glorifie de produire des artistes.

Telle est sur les bords de la Seine la marche de cette révolution rapide, pendant qu’on élève à Florence, au père de la partie & des ans, Comme de Médicis, une statue équestre dont la figure & le cheval sont coulés séparément.

En France, tous les arts se replongent dans les ténèbres sous les successeurs de Henri II. Sous Louis XIII enfin, ou plutôt sous Richelieu, ils recommencèrent à paraître.

On place sur un pont magnifique la statue du plus adoré des rois. Cet ouvrage n’est pas en entier de la main d’un François. Un élève de Michel-Ange a fondu la figure du cheval à Florence ; & Dupré a lutté avec succés contre Jean de Bologne, son maître, dans celle du héros.

La statue équestre de Louis XIII s’exécute dans le même tems On voit encore un Italien, Rlociarelli, s’immortaliser par la figure du cheval, qui est un chef-d’œuvre, tandis que celle du monarque, coulée séparément par un François, fait regretter qu’elle ne soit pas du même artiste.

Enfin sous le règne de Louis XIV, où tout est perfectionné, Keller s’associe à la gloire de Girardon ; & de leurs talens réunis naît le plus grand & le plus superbe ouvrage de ce genre, la statue de la place Vendôme fondue d’un seul jet.

C’est là le plus haut période de l’art. Il n’y a rien de mieux à faire en pareil cas, que d’étudier & de répéter les procédés qu’on a suivis alors. Aussi n’ignore-t-on pas que, cinquante ans après, lorsqu’on a voulu exécuter la slatue de Louis XV à Rordeaux, la pratique en étoit presqu’oubliée, & que sans les mémoires de Bertrand, l’art de fondre d’un seul jet une statue équestre, eût peut-être été trouvé & perdu dans l’espace de deux siècles.

Quant aux avantages qu’on retire de la méthode du mouler, ils sont sensibles. On a déjà vu que c’est à cette heureuse découverte que nous sommes en partie redevables de la renaissance de l’art. Les antiques moulées par le Rosso & le Primatice, ont jeté parmi nous les semences du bon goût.

Les bons modèles aïnfi répandus, les connoissances multipliées, la nature enfin étudiée, les finesses de l’art mieux saisies, ont enfanté des artistes.

Louis XIV avoit bien senti l’utilité de cette méthode, quand il fit mouler à grands frais à Rome les antiques & toute la colonne Trajane, qui fut apportée par pièces au Louvre, où l’on en voit encore quelques débris dans la salle des antiques. Ces objets de curiosité & d’instruction ont été détruits par le terms, qui réduit le plâtre en salpêtre.

Dans le même lieu sont les creux des figures antiques, ou du moins ce qui s’en est conservé, malgré les ravages du tems, & peut-être le défaut des soins nécessaires.

Qu’il nous soit permis de former un vœu, & de souhaiter qu’il parvienne jusqu’au citoyen instruit & connoisseur, qui chez nous préside aux arts ; c’est de voir renouveler fur les originaux ces moules si utiles au maintien des arts en France, & maintenant détruits ou dépareillés, & d’en multiplier les plâtres.

Sans parler de la colonne Trajane, dont il n’appartient qu’à des souverains d’avoir des copies, & que l’impératrice de Russie vient de faire mouler de nos jours, combien de morceaux précieux, dont les amateurs ne sont redevables qu’à l’art de mouler !

Si la France jouit de l’Hercule Farnèse, du LaO-coon, du Gladiateur, de la Vénus de Médicis ; si l’Amour de M Bouchardon, le Mercure de M. Pigalle, la Vénus de M. Coustou, font les délices des connoisseurs : ( car pourquoi refuserions-nous à nos artistes célèbres les éloges que leur prodiguera la postérité reconnoissante ?) enfin, si nos jardins, nos vestibules, nos cabinets sont ornés de ces chef-d’œuvres, nous ne les devons qu’à cette méthode ingénieuse qui fait les multiplier. Grâces à ses soins, celui qui achète n’est point le possesseur exclusif d’un trésor dont il connoit rarement tout le prix.

Si de ces avantages généraux, nous examinons en détail ceux que les artistes en urtnt journellement pour leurs travaux, nous verrons criThien cette mjthode a fervi aux progrès de l’art. Un homme utile à la patrie vient d’expirer, on veut saisir & perpétuer des traits chéris que la mort va détruire ; on se hâte de le mmiler : alors ce masque donne à l’artiste le profil & les formes principales qui font la ressemblance. Il ne le dispense pas de copier la nature, mais il lui tient lieu de ce modèle qu’il doit avoir sous les yeux pour la saisir plus sûrement.

D’ailleurs, quand un artiste a fait son modèle en terre molle, qu’il l’a animé du feu de son génie ; s’il veut travailler le marbre d’après le modèle, il faut en fixer les formes, qui deviendroient maigres & arides en séchant, & les conserver sans altération. L’imitation seroit impossible sans le secours du mouleur.

Arts & Metiers. Tome V. Partie I.
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