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dont les dispositions ne sont point encore développées dans la route des plus grandes perfections. Faites-lui dessiner des têtes, des parties de figures antiques ; s’il ne voit pas dans ces objets ce que le génie y a répandu de sublime, il pourra tout au moins y prendre l’habitude de la correction & de la belle simplicité. Lorsque son intelligence, son sentiment lui inspireront quelque chose de plus, qu’il fixe, s’il n’est pas à Rome, un beau plâtre de l’Apollon ; & si ce que le complément de toutes les beautés ajoute à la beauté ne frappe ni ses sens ni son ame, s’il n’est pas enflammé du desir d’approcher dans ses productions d’un assemblage divin des perfections humaines, qu’il renonce au sublime, qu’il renonce à l’Antique, & qu’il se contente d’attacher nos yeux ou notre esprit par des vérités de formes & de couleurs, par des agrémens & des graces qui n’exigent que la justesse d’imitation, la finesse de tact, & la connoissance pratique des moyens de l’Art.

Il ne sera pas Raphaël ; mais s’il étoit le Titien il n’auroit certainement pas à se plaindre de son sort. Je ne m’étendrai pas sur ce que pourroit amener encore ici le mot, Antique. Le Dictionnaire de Sculpture & d’Antiquité supplééra aux détails qu’il faut se refuser ici, pour éviter des répétitions inutiles.

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APPRÊT, (subst. masc.) Ce mot exprime la couche de couleur dont on enduit la toile, le bois, le plâtre, le cuivre, sur lesquels on entreprend quelqu’ouvrage de Peinture. Cette premiere opération ou préparation entièrement méchanique, regarde parmi nous les Marchands qui fournissent les toiles : ils mettent les apprêts ou premiers enduits sur toutes les matieres propres à devenir ouvrages de Peinture. Ce même mot, dans la seconde partie de cet ouvrage, offrira les détails qu’on a pu rassembler au sujet des apprêts. Cet objet n’est pas d’une importance médiocre, & peut-être ne s’en est-on pas occupé assez, comme on ne s’est pas encore assez occupé de la nature physique des couleurs & de tous les ingrédiens qui entrent dans les différentes manieres de peindre. La Chymie pourroit, dans tes parties, rendre d’importans services à la Peinture & les administrations qui connoissent le prix des Arts, relativement à leur utilité & à la gloire nationale, pourroient favoriser par des intentions marquées & par des encouragemens les travaux nécessaires & les soins trop négligés à cet égard.

Quant à l’apprêt dont on couvre les toiles & les autres matieres sur lesquelles on peint, pour peu que les Artistes s’occupent de cet objet, ils sentiront combien il influe sur la facilité de leurs travaux ou sur la durée de l’accord & de l’har-


monie de leurs tableaux. Aussi, la plupart déterminent au moins la couleur de cet apprêt, relativement à leur manière d’opérer. Ceux qui peignent facilement, &, pour ainsi dire, au premier coup, préfèrent des apprêts clairs, parce que les teintes destinées aux masses de lumières, & auxquelles ils conservent une sorte de transparence, en les employant légèrement sur un fond clair, se conservent plus brillantes.

Ces fonds sont moins avantageux pour les ombres ; mais aussi les apprêts bruns, plus favorables à cet égard, sont sonvent pousser les ombres, c’est-à-dire, les rendent par leur influence, plus sombres qu’elles ne devroient être, & même quelquefois noires en vieillissant. L’Artiste a donc en général un intérêt bien grand, premierement à veiller à la nature de l’apprêt qu’emploie le marchand, & secondement au choix de la teinte de cet apprêt, relativement à sa manière d’opérer.

Apprêt, terme relatif à la manière de peindre fur verre. Voyez le même mot dans la deuxième partie.

APPUI-MAIN, (subst. masc.) secours employé par les Peintres pour procurer un soutien à la main qui opère avec les pinceaux ; ce secours consiste ordinairement dans une baguette que la main gauche tient par un bout, & dont elle appuie l’autre extrémité sur la toile, ou sur le chevalet qui la soutient.

Les détails de ce genre sont rassemblés dans la deuxième partie de ce Dictionnaire, comme tout ce qui regarde la simple pratique ou le méchanisme de l’Art : on y trouvera des renvois aux gravures qui mettront sous les yeux sensiblement les objets.

APRÈS, d’APRÈS, (prép.) On dit travailler, dessiner, modeler d’après la nature, d’après l’antique, d’après Raphaël, &c.

Cette manière de s’exprimer est consacrée aux Arts. Ceux qui n’y sont pas initiés ne peuvent bien la comprendre s’ils ne consultent que le sens grammatical. Les Grammairiens qui ont voulu l’expliquer, ont supposé un tour elliptique difficile à énoncer clairement ; pour moi je serois disposé à croire que cette manière de s’énoncer est imitée de l’Italien, qui nous a fourni un trèsgrand nombre de termes & de tours relatifs à la Peinture, mais que l’imitation a été altérée. En Italien, appresso signifie prés, auprès : je pense qu’en francisant le mot appresso, on a dit mal-à-propos après, & ensuite d’après, au lieu de dire près. Dessiner ou peindre pres de la nature, près de l’antique, près de Raphaël, fait entendre assez clairement le sens qu’on donne à cette expression. Car, pour imiter un modèle, un objet quelconque, il faut en être près, ou au moins n’en pas


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