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Lorsqu’on a créé dans l’Art de la Peinture une sorte d’Art des contrastes, on a induit les Artistes à s’égarer ; car non-seulement la Nature ne contraste pas, autant qu’on voudroit le faire croire ; mais son effet pittoresque vient aussi souvent de l’harmonie juste de la couleur & du clair-obscur, que des contrastes.

L’étude de l’Anatomie est au moins un préservatif contre l’abus des attitudes trop contrastées & exagérées, si le Peintre la consulte.

Combien de mouvemens & d’attitudes, qu’on regarde comme admirables, font sourire l’Anatomiste qui sait que les os & les muscles ne les permettent pas.

Un ouvrage qui indiqueroit, avec des preuves tirées de la structure de nos ressorts, les bornes que la Nature impose aux mouvemens, aux extensions des bras, des jambes, des yeux, du corps, seroit utile aux Artistes. Il empécheroit peut-être tant d’incorrections sur lesquelles on s’extasie en les prenant pour des prodiges d’expression, & démontreroit que ce qu’on admire suppose le plus souvent des os déboîtés & des muscles déplacés, effets de l’exagération.

Des erreurs semblables seroient également mises en évidence par la perspective, lorsqu’on démontreroit que les écarts des jambes d’un grand nombre de figures sont excessifs & hors de toute possibilité, sur-tout en les rapportant aux plans perspectifs indiqués dans le tableau.

ATTRAPER, (part. prés.) On dit, dans le langage de la Peinture, attraper une ressemblance, attraper l’air, le maintien, la démarche, le caractère, &c. Ces expressions peuvent être remplacées par le mot saisir, qui me paroît avoir une signification plus précise & qui appartient moins au langage familier.

Peut-être même pourroit-on penser que l’Artiste, à qui l’on attribue le don de saisir, est plus sûr dans ses procédés que celui qu’on loue d’avoir attrapé ce qu’il avoir en vue.

Saisir, ainsi qu’attraper, est un fait d’adresse, de prestesse, quelquefois de hasard & de bonheur ; & ces qualités ou ces incidens contribuent quelquefois au succès du Peintre, lorsqu’il saisit ou attrape la ressemblance, l’air, le caractète des objets de son imitation.

L’adresse de l’Artiste vient de sa sagacité & de l’habitude qu’il a prise de dessiner avec exactitude ou de peindre fidèlement. La prestesse s’acquiert par l’habitude & par l’exercice continuel du talent.

Le hasard enfin décide quelquefois du succès, comme de la plupart des actions des hommes.

Un très-habile Tireur n’attrape pas toujours le but ; le Joueur de Paume le plus adroit ne saisit pas toujours la balle comme il le faudroit.

Au reste, ces mots ne peuvent donner lieu à des préceptes, & les observations qui y peuvent


avoir rapport se trouvent plus naturellement aux mots DESSIN, PORTRAIT, CARACTÈRE, &c.

AVANCER, (verb. neut.) Un Maître dit assez souvent à son Élève : Vous ne faites pas assez avancer votre figure. Il lui dit aussi : Faites donc reculer cet objet qui n’est pas sur son plan. Ces manières figurées de s’exprimer regardent la couleur, & la perspective aërienne dans les rapports qu’elles doivent avoir l’une & l’autre avec la perspective linéale. Plusieurs figures, ont d’après le plan géométral que suppose le Peintre, une grandeur fixe & une intensité de couleur à-peu-près déterminés. Je me sers de deux manières de m’exprimer, parce que la perspective linéale est une science positive dont les obligations sont absolues, & que la couleur, dans l’exemple que j’ai donnée, n’est pas soumise aussi sévèrement aux loix de la perspective linéale.

En effet, plusieurs circonstances permettent & même contraignent d’altérer les principes généraux ; car un air plus ou moins pur, ou plus ou moins chargé de vapeurs, fait paroître à nos yeux la même couleur, plus ou moins dégradée, quoique placée au même point de distance.

Il est également vrai que les couleurs ne se dégradent pas toutes dans la même proportion ; la couleur rouge, par exemple, perd moins par l’interposition d’un même volume d’air, que la couleur jaune. Ainsi une figure, vêtue d’écarlate, avancera plus qu’une figure vêtue de jaune-clair, placée au même point. Il y a donc une latitude donnée par la Nature, dans la perspective aërienne ; mais les dimensions fixes que prescrit la perspective linéale, suppléant aux différences que peut éprouver la couleur, relativement à la perspective aërienne, décident à nos yeux les distances dans la nature, & doivent les décider dans le tableau. Lors donc qu’une figure peinte est de l’exacte dimension qui convient à son plan, si l’harmonie demande qu’elle n’attire pas trop les yeux, l’Artiste lui donnera une draperie dont la couleur ne fixe pas trop le regard, & alors l’harmonie se trouve ménagée, sans que la perspective des plans soit compromise. C’est ainsi que le Peintre fait avancer ou reculer les objets qu’il peint, relativement à l’esprit de l’Art, comme le Poëte sacrifie quelquefois une expression forte, mais en même temps désagréable à l’oreille pour respecter l’harmonie.

AUSTÈRE, (adj.) Le sens de ce terme adapté au langage de l’Art, appartient principalement à sa théorie.

Le mot austère présente des idées de sévérité & de rigueur. On dit en parlant des pratiques de certains Religieux, qu’ils suivent une règle austère, & l’on entend alors qu’ils se mortifient par des privations.


Ces