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tiques. Car qui pourroit mieux qu’un artiste éclairé juger sans inscription, des styles des aristes de l’antiquité & par conséquent du pays & des tems où ils ont fleuri ?

Les bibliothéques d’estampes seront un objet de recherche pour les statuaires & les peintres, & là il feront leur choix entre les mensonges & les vérités gravées.

Ce sera dans ces diverses sources antiques & modernes qu’ils trouveront des lumières sur les hieroglyphes, l’iconologie, & par conséquent sur les moyens de traiter les emblêmes & l’allégorie.

Ils ne pourroient représenter les arbres, les plantes, les fleurs, les fruits, les minéraux, les animaux de toutes les sortes qui existent dans les différents climats, s’ils n’avoient une connoissance profonde des preportions, des situations, des formes, des couleurs, des substances de ces productions innombrables de la nature.

La manœuvre des vaisseaux sera une étude particulière pour ceux qui seront chargés de peindre des combats de mer, ou même de simples marines ; comme celle de la tactique sera utile à ceux qui veulent peindre nos batailles.

Le peintre doit faire au moins la lecture de ceux des livres de chymie qui traitent de la composition des couleurs, autrement il en seroit un emploi inconsidéré qui les rendroit destructibles. Je crois devoir indiquer ici un livre nouveau où il est traité de cette matière. Il est intitulé : traité de la peinture au pastel, &c. par M. P. R. de C. C. à P. de L. Paris, chez Defer de Maisonneuve. 1788.

Le peintre connoitra aussi les branches de la physique qui traitent de la lumière, de ses effets & de la nature des couleurs naturelles qui lui servent de modèles.

La partie de la philosophie qui nous éclaire sur les dons de l’homme & sur l’abus qu’il en fait, doit être du ressort de tout artiste occupé d’exprimer les passions. Alors reportant sans cesse sur le spectacle de la nature, la théorie qu’il aura acquise dans cette importante matière, il épiera toutes les occasions de découvrir les moyens par lesquels les agitations de l’ame se lisent sur les traits du visage, & sur les mouvement du corps.

Heureux l’artiste, qui muni d’un savoir indépendant de celui qui le constitue statuaire ou peintre, sait l’appliquer à toutes les parties de sa profession, & qui bien nourri des manières diverses de ses prédécesseurs, choisit entr’elles celles qui conviennent aux sujets qu’il se propose de traiter. Cette méthode d’approprier ainsi à son sentiment naturel les connoissances des autres, ne pourra être adoptée que par un homme d’une grande fléxibilité d’esprit & d’après une méditation bien profonde de tous les genres de mérites connus. Mais en pliant ainsi son talent aux differents genres, qu’il se garde bien d’imiter en esclave. Il lui suffira de se rappeler par quelle chaleur, quelle abondance, & quelle intelligence, Lebrun, Rubens, P. Véronese ont traité les sujets d’apparat & de magnificence : leurs génies étoient propres aux banquets, aux triomphes, aux combats, & ils avoient Part d’y introduire une rareté d’effet à laquelle ils subordonnoient la multitude des objets de leur savante composition : ce que nous disons ici d’un seul genre de composition est applicable à toutes les grandes parties de la peinture & de la sculpture sur lesquelles les statues & les autres productions célèbres peuvent être consultées.

Mais c’est par la pénétration & la docilité aux principes & non par l’appropria ion des pensées d’autrui que le peintre doit profiter des talens du peintre. Etre copiste & servile imitateur est un défaut dans des professions qui doivent se distinguer pas les productions d génie, Mais la sagacite à saisir les exemples du bien, & la complaisance à recevoir des conseils sont des qualités exquises.

Après avoir acquis une profonde théorie, & une grande pratique, fruits d’un continuel travail, les artistes en useront avec une modération d’esprit qu’un jugement sain accompagne toujours. Par la qualité de savoir se modérer même dans l’ambition du succès, l’ouvrage de l’homme savant acquert plus de perfection. Le premier avantage de cette qualité est de savoir s’arrêter à temps. Le mérite dont se vantoit Appelles[1], & qui eût été désirable dans Protogêne, que le premier avouoit être d’ailleurs son égal, étoit de ne pas s’épuiser dans son ouvrage Sc de ne le pas fatiguer par des efforts trop prolongés.

Mais où la modération est importante, c’est deus le sage emploi de tout ce qu’on sait. De l’abondance excessive des figures, il ne résulte que des tableaux stériles, & une richesse déplacée est le fruit d’une grande pauvreté de jugement Nous sommes fâchés de pouvoir reprocher à Gérard Lairesse, d’avoir placé un fastueux buffet, garni de vaisselle d’or & d’argent dans la chambre habitée par la Sainte Famille.

C’est par le même défaut que beaucoup de peintres de portraits, habiles dans l’art peu difficile d’imiter les étoffes jusqu’à l’illusion, rendent encore plus choquante la médiocrité des têtes qui sont l’objet principal de leurs tableaux ; cet objet y est traité comme un accessoire, envain

  1. Pline, l. 35, cha. 10. Voy. Œuvres de Falçoner, tom. I. édit. de 1789.
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