Page:Encyclopédie méthodique - Beaux-Arts, T02.djvu/293

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sou couronnés par le succès. Par sa figure de Saint-André, placée dans la basilique de Saint-Pierre, il effaça la figure de Saint-Longin que fit en même temps le Bernin qui osoit le mépriser, & qui disoit qu'au lieu d'un apôtre, il ne ferait qu'un gros enfant. Cette statue haute de vingt-deux palmes, & fruit laborieux de cinq ans d'étude est une des plus belles de la Rome moderne. Les proportions sont élégantes, la tête élevée vers le ciel exprime la plus tendre dévotion, & est pour les artistes, un objet d'admiration & d'étude, la draperie est d'un grand goût. Un moine qui fréquentoit l'attelier du Flamand, prétendit que le Sculpteur lui avoir obligation du mérite de cette figura, & qu'il lui avait fait réformer des défauts choquans qui déparaient premier modèle ; dès-lors le Flamand prit l'usage de travailler sans témoins. Si tous les artistes étoient aussi sensibles que Duquesnoi à de semblables reproches, ils tiendroient leur portes fermées à tous les connoisseurs : mais on sait que les avis des connoisseurs peuvent faire gâter un ouvrage, & qu'ils n'inspirent des beautés qu'à de grands artistes.

Si Duquesnoy, n'a fait qu'un petit nombte d'ouvrages capitaux, c'est que son travail étoit le fruit des plus profondes réflexions & d'une étude répétée de la nature & de l'antique. Il faisoit plusieurs modèles non seulement du corps, des bras, des mains, des jambes, des pieds, & sur tou des têtes, mais encore des doigts, & des masses de plis des draperies. Peu d'Artistes ont moins produit de grands ouvrages & se sont fait une plus grande réputation. Quelqu'un lui disoit qu'une figure à laquelle il travailloit étoit assez terminée : « Vous le croyez ainsi, répondit le Statuaire, parceque vous n'avez pas sous les yeux le modèle que j'ai dans l'esprit, & dont mon ouvrage doit être une copie fidèle. »

Les Articles qui prennent tant de soin de leur réputation, vivent ordinairement dans la pauvreté : tel fut le sort du Flamand ; il voyait des sculpteurs médiocres comblés de récompenses, & il languissoit dans la misere. Il allait passer en France avec le Poussin ; un traitement honorable lui étit assuré ; déja il avait reçu l'argent de son voyage, & il faisoit les apprêts de son départ, lorsqu'il mourut, empoisonné, dit-on, par son frère, en 1646, à l'âge de cinquante-deux ans. Le scélérat fut brillé à Gand pour d'autres crimes, & l'on assure que, dans les tourmens, il confessa qu'il avoit donné à son frère un breuvage mortel. Ce fait a occasionné l'erreur de quelques personnes, qui croyent que le Flamand luina même a été brulé pour un péché que réprouve la nature. On a confondu le meurtrier avec sa victime. La conformité de nom & de profession a fortifié cette erreur.

Duquesnoy, que les Italiens nomment il


Flamingo, (le Flamand (cet homme qui a vécu dans la misère, & que la calomnie poursuit après sa mort, était du caractère le plus doux, de la plus belle taille, du plus aimable commerce, & l'on ne pouvoit le connoître ni même le voir sans l'aimer. La tendresse qu'eurent pour lui le sage Poussin & l'Albane, cet Artiste qui avoit tant de pudeur, suffit à sa justification, & feroit l'apologie de ses mœurs, s'il ne l'avoir pas écrite dans la douce & vertueuse expression de ses chefs-d'œuvres.

(20) PHILIPPE BUYSTÉR, naquit à Bruxelles en 1595. « Il quitta sa patrie, dit Dandré Bardon, pour exercer ses talons en France. Il donna des preuves de capacité dans la composition du tombeau du Cardinal de la Rochefoucaud, à Sainte Geneviève, le joueur de tambour de basque, le grouppe de deux satyres, la déesse Flore, le Poëme satyrique, & plusieurs autres figures qu'il fit pour le parc de Versailles. » Il est mort en 1688, âgé de quatre-vingt-treize ans.

(21) JEAN-LAURENT BERNINI, né à Naples en 1598, tint, pendant le dix-septième siècle, le sceptre de deux arts, la Sculpture & l'Architecture. Avec un génie facile, abondant, impétueux, il suivit plus ses caprices que les loix fondées parla sagesse des Artistes de l'antiquité, & s'il prêta un éclatà ces Arts, il faut convenir que c'étoit un éclat trompeur qui les menaçait de, leur décadence. Plus sa réputation fut grande & méritée, & plus devint dangereuse l'influence de ses défauts. La célébrité de son nom, la réalité de son mérite devinrent des autorités puissantes pour ceux qui s'écartèren de la simplicité, & l'on ne petit abandonner simplicite, sans s'éloigner de la route dans laquelle se trouve la véritable beauté, sans se laisser tromper par des manières affectées que l'on prend pour elle.

Le Bernin, fils d'un Sculpteur, fut au nombre des enfans prodigieux : ses premiers jeux furent des ouvrages de l'art ; il en mania les instrumens en sortant du berçeau, & dès l'âge de huit ans, il fit une tête de Faune qui étonna les connoisseurs. Conduit à Rome par son père, il passoit à l'âge de dix ans les journées dans le Vatican, toujours occupé de l'étude des chefsd'œuvre qu'il renferme, & fit dès lors une tète de marbre qui fur placée dans l'église de Sainte Potentienne. Les Amateurs de l'art, croyoient voirs'élever un nouveau Michel-Ange ; mais le Bernin n'avoir pas reçu de la nature le grand caractére de l'artiste Florentin, Michel-Ange étonne, instruit, en mème temps qu'il repousse en quelque sorte par une austérité sauvage : le Bernin plaît par des charmes séducteurs ; mais il attire à lui pour égarer.

La protection du Cardinal Maffei ; de la maison des Barberins, lui procura celle du pape Paul

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