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s c u Italie. Entre les anges dont il fit les modèles pour orner le pont Saint-Ange, il en exécuta deux de sa main : mais Clément IX ne voulut pas que des ouvrages qui lui sembloient si précieux fussent exposés aux injures de l’air, il les fit remplacer par des copies & donna les originaux au Cardinal son neveu. Le Bernin fit encore pour le même pont un autre ange tenant en main l’inscription de la croix. « Vous voulez donc absolument, lui dit obligeament le Pontife, me faire faire encore les frais d’une copie ? »

Il seroit trop long de détailler les ouvrages de sculpture de cet Artiste fécond. On célèbre sur tout sa Sainte Bibiane & sa Sainte Thérèse, en qui l’exstase de l’amour divin ressemble trop à celui d’une volupté profane. Ses principaux ouvrages d’architecture sont le baldaquin & la confession de Saint Pierre, la chaire de la même église, & la fontaine de la place Navonne. Au milieu des occupations dont on croyoit qu’il eût dû être accablé, il trouvoit le temps de se récréer par la peinture, & l’on connoît près de cent cinquante tableaux de sa main. Cet Artiste, laborieux jusqu’aux derniers instans de sa vie, est mort en 1680, à l’âge de quatre-vingt-deux ans.

Comme architecte, il s’éleva trop au dessus des régies, il se livra trop à l’impetuosité de son imagination, & ses fantaisies toujours ingénieuses, toujours magnifiques, ne furent pas toujours approuvées par le goût. On reconnoît que ses licences sont agréables, mais on lui reproche d’avoir ouvert la carrière aux extravagances du Borromini.

Mengs l’a jugé comme Sculpteur. « Le Bernin, dit-il, cherchant uniquement à éblouir les yeux, se livra, dans l’invention de ses statues & de ses groupes, à une manière hardie & même fantasque, mais qui ne laissoit pas d’être agréable, comme on peut le voir par ses ouvrages qui sont à Rome, dans lesquels il a toujours sacrifié la correction au brillant, & dont il a altéré toutes les formes. »

L’Auteur des vies des Architectes & des Sculpteurs, après avoir dit que, depuis la mort Je Michel-Ange, Rome n’avoit pas eu d’Artistes qui en approchât plus que le Bernin par la supériorité & la multiplicité des talens, que personne ne tira parti du marbre comme lui ; qu’il savoit lui donner une souplesse surprenante & le travailler avec un goût & des graces singulieres ; qu’il a excellé dans plusieurs bustes ou portraits d’après nature ; cet écrivain, dis-je, se croit obligé d’ajouter : « Il faut néanmoins avouer que son faire, en général, tient peu du vrai, & qu’il est d’ailleurs très maniéré : dans ses draperies : il prodigue autant l’étoffe que les Grecs l’épargnoient ; il y met un


fracas qui fatigue l’œil, fait paroître ses figures maigres, & les suppose agitées par un vent violent. C’est une hardiesse qui n’est pas à imiter, de faire en sculpture des draperies volantes & trop repliées. »

(22) ALEXANDRE ALGARDI, né à Bologne en 1602, se destina d’abord à la peinture, & fut placé dans l’école de Louis Carrache. Ses liaisons avec un sculpteur le décidèrent en faveur de l’art qu’exerçoit son ami : mais en se consacrant à cet art, il l’envisagea souvent en peintre, ce que l’on peut attribuer à sa première éducation. Les uns l’on loué d’avoir procuré à la sculpture une nouvelle richesse ; les autres l’on blamé d’avoir excédé les limites dans lesquelles elle doit se tenir renfermée. A l’âge de vingt ans, il fut conduit à Mantoue où il étudia, dans le palais du T, les peintures de Jules Romain : on y voit des reflets de l’antique, mais il auroit été plus utile à l’Algarde de pouvoir, dès-lors, étudier l’antique lui-même ; ne pouvant le voir en grand, il ne négligea pas du moins de le voir en petit & de dessiner ou modèler d’après les médailles, les pierres gravées ou les bronzes qui ornoient la galerie des Ducs de Mantoue. Il étoit en même temps au service du Duc, pour lequel il travailloit en ivoire, ou faisoit de petits modèles de figures ou d’ornemens, destinés à être exécutés en bronze ou en argent.

De semblables travaux étoient plutôt capables de lui faire contracter une petite manière que de le conduire au grand ; il alla enfin à Rome, aux frais du Duc, à l’âge de vingt-trois ans, & fut quelque temps occupé à restaurer des antiques pour le Cardinal Ludovis. Il devint l’ami du Dominiquin, qui lui procura les deux premiers grands ouvrages qui aient été produits par son ciseau. C’étoient deux figures en stuc, plus grandes que nature. L’une représente Saint-Jean ; l’autre, qui commença la réputation de l’artiste, est une Magdelène. Cependant il resta encore sans occupations dignes de son talent, obligé pour vivre de vendre son temps à des orfévres, & de modeler pour eux des figures d’enfant, des ornemens & des crucifix. Ses travaux les plus remarquables, étoient des restaurations d’antiques, & l’on se ressouviendra long-temps à Rome de son talent en ce genre. Il y fit les parties qui manquoient à l’Hercule du Palais Vérospi : on retrouva dans la suite les parties antiques, mais celles qui éroient l’ouvrage de l’Algarde, parurent encore si belles malgré la comparaison, qu’on prit le parti de les respecter : on se contenta de placer auprès de la statue, ceiles qu’on avoit recouvrées.

Comme l’envie se plaît à faire un tort aux artistes des occasions qui leur ont manqué,