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ont pu comparer le champ du camée à un terrein, & les objets que l’artiste représente sur ce champ, à des objets qui sont à ras de terre.

C’est aussi du mot cameo que les François ont formé le mot camayeu, dont ils se sont d’abord servis pour exprimer ce que les Italiens appellent des camées, & qu’ils ont employé dans la suite à désigner ces peintures d’une seule couleur que les Grecs appelloient monochromata, & que les Italiens nomment chiaro scuro. Dans l’origine de cette sorte de peinture chez les modernes, elle étoit constamment destinée à imiter l’effet & la composition des camées & des bas-reliefs. La mode en a fait un genre bâtard & subalterne, quand elle a voulu le consacrer à imiter la composition des tableaux, & quand au lieu de s’en tenir au blanc & au noir qui, par leur mêlange, rendent la couleur de la pierre, elle a voulu que les artistes fissent des camayeux bleus, rouges, &c. Cette mode trop long-temps consacrée aux dessus-de-portes & de cheminées, & aux panneaux des appartemens & des voitures, est à — présent tout-à-fait oubliée, & mérite bien de l’être. Une autre mode règne à— présent : c’est celle de l’imitaion des camées, c’est-à-dire de ces gravures où l’artiste profitant des variétés de couches d’une agathe, détache les figures en clair sur un fond obscur. Les miniatures des tabatières, des bracelets, des diverses parures de femmes imitent les camées, & ce sont aussi des camées que représentent les boutons des habits d’hommes. Ce caprice peut avoir sur l’art une influence favorable, s’il amène parmi nous le goût de l’antique, dont ces petits ouvrages sont des imitations plus ou moins heureuses.

« Le travail de la gravure en creux, dit M. Mariette, dans son traité des pierres gravées, se trouve en quelque manière perdu, puisqu’il ne se distingue parfaitement que lorsqu’on en tire des empreintes ; il n’en est pas ainsi des camées Ils n’ont besoin d’aucun secours pour se montrer dans toute leur beauté ; ils offrent continuellement à la vue de petits bas-reliefs précieux… Souvent même, ils deviennent entre les mains d’un habile homme de petits tableaux infiniment agréables, & où l’art & la nature semblent agir de concert. Car les camées se sont avec des agathes, & si le graveur sait profiter des différences nuances, ainsi que des couleurs accidentelles qui sont presque toujours répandues sur ces pierres fines, il peut en faire des applications heureuses, & faire paroitre la sculpture embellie de couleurs qui sembloient réservées à la peinture. C’est ce qui a été pratiqué plus d’une fois par d’excellens graveurs… »

« A l’imitation des plus beaux bas-reliefs,


les figures, sans presque avoir de faillie, prennent cependant de la rondeur, & assez de corps pour se détacher de dessus leur fond, & ne pas sembler y être adhérentes : peu travaillées en apparence, elles sont exprimées dans toutes leurs parties avec tant de goût, de justesse & de précision, qu’il n’est pas possible de rien faire de plus élégant ni de plus exact. La science y est soumise à une noble & aimable simplicité, qui n’offre aux yeux que ce qu’il faut pour élever les idées. Il est à présumer que cette grande manière illustra les plus beaux jours de la Grèce. J’en prends à témoin cet admirable fragment d’un plus grand camée du cabinet de M. Crozat, représentant Ganimède enlevé par l’aigle, morceau a grec, qui est de l’antiquité la plus avérée & qui, dans son peu de relief, est tellement gravé de chair, qu’il semble la chair même. C’étoit aussi la manière favorite du fameux Dioscoride ([1]), à en juger par le travail de plusieurs belles pierres gravées du cabinet du Roi. Mais je fuis obligé d’avouer que je n’en connois point, dans ce cabinet, d’une aussi grande perfection que la cornaline qui a appartenu pendant assez long-tems à M. Sevin, & qu’il a enfin cédée à milord duc de Devonshire. Elle représente Diomède qui enlève le Palladium, & l’on y lit très-distinctement le nom de Dioscoride écrit en grec… »

« Le travail des camées ne paroît pas si difficile que celui de la gravure en creux. L’artiste a continuellement son ouvrage sous les yeux, il en voit les progrès, & il abbat la matière par-tout où il le juge à propos, sans crainte d’en trop ôter, & sans avoir besoin de consulter à chaque instant l’empreinte en cire de ce qu’il grave, comme lorsqu’il opère de l’autre façon. Il sembleroit que toute son attention dût se borner à suivre exactement le modèle qu’il s’est proposé d’imiter. Cependant il ne suffit pas d’être bon dessinateur & d’avoir de la main ; ce genre de gravure demande beaucoup d’intelligence & de génie, & peut-être encore plus que celle qui se fait en creux. L’artiste y est extrêmement assujetti ; il y employe des agathes-onyx & des sardoines-onyx sur lesquelles la nature a jetté au hasard diverses couleurs ; & s’il veut réussir & plaire, il faut qu’il tire parti de ces couleurs, qu’il les distribue dans les places convenables, qu’il les adapte aux divers objets qu’il a dessein de représenter, qu’il les y fasse cadrer, & que ces dispositions paroissent si naturelles qu’on n’ose prononcer,

  1. (*) Dioscoride n’appartient pas au plus bel âge de l’art chez les Grecs ; il vivoit du temps d’Auguste, & étoit le graveur de ce prince.