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le phénomene de l’héliosément des plantes, ont frappé depuis longtemps les naturalistes observateurs, & l’on a fait, depuis quelques années, plus d’attention aux altérations que le contact des rayons lumineux fait éprouver à un grand nombre de corps. Dans les laboratoires de chymie, où l’on conserve sur des tablettes une grande quantité de préparations diversement colorées, on observe tous les jours des changemens singuliers & inattendus dans la couleur & les autres propriétés de ces substances, surtout lorsqu’elles sont placées dans des lieux immédiatement éclairés & frappés des rayons du soleil. Si l’on observe ce qui se passe dans les magasins où l’on conserve les couleurs dans des vaisseaux transparens, on reconnoîtra bientôt l’action de la matière lumineuse sur ces préparations. Si on les agite, on observe que la couche la plus voisine des parois dit bocal qui les contient, est d’une nuance plus foncée que celles qui sont placées dans le milieu de ce vaisseau.

On ne peut nier, d’après de telles observations, qu’une connoissance exacte de ces altérations est extrêmement importante pour la peinture. En effet les peintres savent qu’en broyant & agitant fortement leurs couleurs sur la palette, elles éprouvent des changemens notables dans leur ton, & prennent quelquefois des nuances très-différentes de celles qu’elles avoient d’abord. Aussi se hâtent-ils toujours de les employer le plus vîte qu’il est possible, après leur préparation, & n’en délayent-ils qu’une une petite quantité à la fois. L’expérience leur a même fait acquérir sur ces changemens des connoissances précieuses.

Si l’on joint à cette sorte d’altération par le contact de la lumière, celle que le contact de l’air fait naître dans les couleurs, ainsi que celle qui est produite par l’humidité répandue dans l’athmosphère, on trouvera la raison des changemens malheureux qui arrivent aux tableaux. Quoique ces altérations ne marchent que d’un pas lent, & par une progression insensible dans leurs différentes périodes, elles ne parviennent pas moins, avec le temps, à détruire les chefs-d’œuvre les plus précieux des grands maîtres. On ne sauroit douter que l’acide contenu dans l’air, cet acide sur lequel les anciens avoient des apperçus qu’ils n’avoient pû confirmer par l’expérience, & dont les modernes ont démontré l’existence par des essais connus de toutes les personnes qui ont quelques idées des miracles de la chymie moderne, n’entre pour beaucoup dans les altérations qu’éprouvent les peintures. En effet, cet acide que les Anglois ont appellé air fixe ou fixé, que M Bergmann a nommé acide aérien, & que presque tous les chymistes françois connoissent aujourd’hui seus le nom d’acide crayeux, a une action marquée sur les couleurs végétales. Si, dans les expériences de chymie,


on ne lui découvre pas aisément une énergie bien forte sur la couleur des chaux métalliques, on n’en conçoit pas moins qu’à la longue, & par un contact successif, il doit être susceptible de les dissoudre, de les changer, & d’en altérer la nuance.

Ces idées générales suffisent pour l’objet donc on s’occupe ici ; elles éclairent sur l’art de conserver les tableaux. On voit pourquoi les peintures sur les murs, & sur les plafonds, sort d’autant plus vîte altérées & gâtées, qu’elles sont plus exposées au contact du soleil, & que les appartemens sont plus éclairés : on apprend que, pour bien conserver les chefs-d’œuvre des peintres, on doit écarter le contact immédiat des rayons solaires, & éclairer les chambres qui les contiennent par des coupoles élevées : on apprend qu’il faut couvrir soigneusement les surfaces peintes, les défendre de l’humidité & des vapeurs de toute espèce, surtout de celles des flambeaux, ou de tous les corps combustibles allumés en trop grande quantité.

Avant que la chymie eût fait de grands progrès, les Italiens, les Flamands, éclairés seulement par la connoissance des effets dont ils n’avoient pas étudié les causes, reconnurent qu’il falloit dérober aux impressions extérieures les peintures précieuses, & ils couvrirent de volets peints les tableaux pour lesquels ils avoient conçu une estime plus particulière.

Pour se convaincre davantage des effets énergiques du soleil sur les couleurs, qu’on jette les yeux sur des rideaux bleus, rouges ou jaunes : non-seulement ils pâlissent, mais encore ils sont peu-à-peu rongés & corrodés. Plus leur couleur est foncée, & plus vîte ils éprouvent ces altérations.

On observera encore que de deux rideaux placés depuis le même temps, l’un couvrant la fenêtre & destiné à briser & à arrêter les courans trop rapides de la matière lumineuse ; l’autre tendu au fond du même appartement, & servent simplement d’ornement, ou de défenses contre les courans d’air, le premier sera altéré en quelques mois, surtout dans les chambres exposées au midi ; & l’autre conservera bien plus longtemps sa couleur & sa fraîcheur.

La même observation appliquée aux toiles étendues devant les tableaux, apprendra que la couleur blanche est celle qui convient à ces toiles, parce qu’elle est, pour ainsi dire, le garant de leur conservation, tandis que les toiles bleues ou vertes absorbant une grande partie des rayons lumineux, peuvent leur ouvrir un passage, & les laisser pénétrer jusques sur la surface même du tableau. Ainsi, routes choses égales d’ailleurs, ils sont plus capables d’y faire naître un commencement d’altération.

Un autre ennemi encore plus dangereux pour les couleurs fraîches ou séches, parce qu’il les