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séjour en France. Il eut la gloire de voir ses ouvrages recherchés, même à Venise & à Florence Ses compositions avoient de la grandeur, mais elles tiroient surtout leur prix de la couleur & du faire. Il ornoit ses tableaux de vases d’or, d’argent, de marbre ou de bronze, & personne en Italie ne pouvoit l’égaler dans l’imitation de ces riches accessoires. Il avoit une précision qu’on auroit pu traiter de servile, si la légèreté de sa touche n’avoit pas donné à ses ouvrages l’apparence de la facilité. Ses tableaux en petit, & peints sur cuivre, sont ingénieusement composés. Ils représentent ordinairement des nuits, des incendies, des souterreins éclairés par des flambeaux ; ses figurines sont touchées avec finesse. La vigueur de ses effets a fait croire à ceux qui ont ignoré son âge, qu’il étoit élève de Rembrandt. Il a peint quelquefois le portrait, &, entr’autres, le sien. A son retour d’Italie, il se fixa dans sa ville natale, & il y a apparence qu’il y est mort, mais on ne sait en quelle année.


(119) Pierre Berettini appartient à l’école Florentine par sa naissance qu’il reçut dans la ville de Cortone, qui lui a fait donner le nom de Pierre de Cortone, sous lequel il est plus généralement connu. Quoiqu’il ait reçu à Florence les premiers élémens de son art, on pourroit le regarder comme appartenant à l’école Romaine, puisqu’il est venu de bonne heure à Rome, & que c’est dans cette ville qu’il s’est perfectionné.

On conçoit ordinairement une grande espérance des enfans qui, dès qu’on leur met un crayon dans les mains, le manient avec facilité : ces dispositions apparentes sont fort souvent trompeuses ; le Cortone, au contraire, montra dans les commencemens une telle maladresse, que ses compagnons d’étude le nommoient tête d’âne ; & cependant il est devenu un des célèbres peintres de l’Italie.

Il étudia à Rome, l’antique, Raphaël, Polidore, & ces études ne firent pas de lui un dessinateur savant & profond ; il étoit destiné par la nature à charmer les yeux ; non à satisfaire ni la science ni la raison sévère. Jeune encore, il étonna par un tableau de l’enlévement des Sabines, & par une bataille d’Alexandre. Son mérite fut bientôt connu du Pape Urbain VIII, qui le choisit pour peindre une chapelle dans l’église de Sainte-Bibienne. Un peintre nommé Ciampelli, qui avoit alors quelque réputation, travailloit dans la même église, & ne put s’empêcher de regarder avec mépris un jeune homme qui avoit l’audace d’entreprendre un ouvrage public. Dès que le jeune homme eut commencé à opérer, le Ciampelli ne le regarda plus qu’avec envie.


Le succès de cet ouvrage lui procura le plafond du grand sallon du palais Barberin. « C’est peut-être, dit Lépicié, la plus grande machine qui ait été entreprise par aucun peintre. La richesse de la composition, la belle entente du clair-obscur, & l’union des couleurs en font le morceau le plus parfait qu’on puisse souhaiter en genre de plafond : on croiroit qu’il a été peint dans un seul jour, & avec le même pinceau, tant il y a d’accord. La voute semble percée aux endroits où le ciel paroît ; & tous les ornemens qui servent de cadre aux cinq principaux sujets, imitent si bien la sculpture, qu’on croiroit que ce sont autant de figures & d’ornemens de relief & de stuc… Les connoisseurs trouvent que le dessin pourroit être plus correct, & que les draperies ne sont pas tout-à-fait bien entendues, ni faites d’après nature. Mais le tout-ensemble est si agréable & si séduisant, que les yeux les plus indifférens pour les beautés de l’art ne peuvent se lasser de le contempler. » Nous avons cru devoir transcrire ce morceau, parce qu’il représente bien le caractère de Pietre de Cortone, aimable & dangereux enchanteur, qui fascine les yeux, permet à peine à la raison de remarquer ses défauts, & les rend même si séduisans, qu’on est tenté de les imiter.

Il voyagea ensuite dans la Lombardie, & à Venise, & revint à Florence, où il peignit les plafonds du palais Pitti : mais poursuivi par les calomnies des artistes jaloux, il quitta cette ville, laissant même quelques ouvrages imparfaits. Il continua d’être chargé à Rome de grandes machines, & y fit quelques tableaux de chevalet, quand la goute, dont il étoit tourmenté, ne lui permettoit pas de monter sur les échafauds. Ces sortes de tableaux sont rares, parce qu’il n’en a jamais fait que lorsqu’il étoit retenu par son infirmité. Il reçut du pape Alexandre VII l’ordre de l’Eperon d’or, & mourut peu de temps après, en 1669, âgé de soixante & douze ans. Célèbre par ses talens, il étoit chéri par la douceur de ses mœurs.

Plusieurs édifices ont été bâtis à Rome sur ses dessins. On y reconnoît un goût capricieux que le Borromini a porté jusqu’à l’extravagance.

M. Cochin, qui est très-favorable à ce peintre, lui accorde le mérite d’avoir excellé dans le mouvement, la disposition & l’enchaînement des grouppes. Il le compare à ces femmes dont on reconnoît tous les défauts, & qu’on ne peut s’empêcher d’aimer. S’il loue le ton argentin que le Cortone a su donner aux ombres des chairs, il avoue que ton dessin & sa couleur sentent la manière, & que, s’il a su


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