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un pinceau froid & léché : il peignoit d’une grande manière. Ses draperies sont larges, ses figures bien dessinées : il imitoit jusqu’à la plus grande illusion les vases d’or & d’argent & tous les accessoires. On ne sait pas l’année de sa mort ; il parvint à un âge avancé, se maria fort tard & eut un fils qui devint lui-même un bon peintre de portraits. Il avoit fixé sa résidencc à Amsterdam.


(159) Otho Marcellis, de l’école Hollandoise, né en 1613, n’est célèbre que par l’imitation des plus petits objets de la nature ; mais l’insecte qu’on foule aux pieds devient précieux quand il est bien imité par l’art. Marcellis, & les artistes qui ont suivi ses traces, prouvent qu’il n’est aucun genre qui ne puisse mériter de la gloire quand on le cultive avec de grands succès. Les plantes, les reptiles, les insectes furent les seuls objets de ses études ; il nourrissoit chez lui de ces animaux pour les mieux observer : il ne laissoit rien échapper de ce qui, dans la nature, n’échappe point à la vue, & il vit ses travaux recherchés & généreusement recompensés à Paris, à Rome, à Florence, à Amsterdam. Il fut quelque temps attaché à la reine mère de Louis XIII, qui lui donnoit la table, le logement, & un louis, qui en vaudroit trois à présent, pour quatre heures de travail. Il mourut à Amsterdam en 1673, âgé de soixante & dix ans.


(160) Gerard Douw, de l’école Hollandoise, naquit à Leyde en 1613 ; il étoit fils d’un vitrier. Après avoir reçu pour le dessin les leçons d’un graveur, & pour la peinture celles d’un peintre sur verre, il entra dans l’école de Rembrandt ; & trois années d’études sous ce maître lui suffirent pour parvenir au degré de perfection qui l’a rendu célèbre. Il profita des leçons de Rembrandt sur la couleur & le clair-obsur ; mais il ne goûta pas la maniére heurtée de ce maître, & préféra celle qu’avoit eue cet artiste, lorsqu’il avoit donné à ses ouvrages le plus grand fini. L’idée d’un fini précieux & recherché ne pouvoit se détacher dans l’esprit de Gérard Douw de celle de la perfection ; il suivit toujours cette idée dans ses ouvrages, & l’on peut croire qu’il seroit resté dans l’obscurité, s’il avoit cherché une manière facile & expéditive ; tant il est vrai qu’il y a peu de lois générales pour la manœuvre de l’art, & que l’artiste qui veut parvenir à la gloire, doit étudier son penchant, & le suivre. La manière strapassée du Tintoret, & toutes les manières intermédiaires jusqu’à l’extrême patience de Gérard Douw, peuvent conduire l’artiste à la réputation, s’il en fait un bon usage. Ce que nous disons ici de la manœuvre, nous pouvons le dire des genres


depuis celui qui se propose la représentation de la beauté idéale dans la nature humaine, jusqu’à celui qui se borne à celle d’un papillon.

Gérard Douw, qui ne peignoit qu’en petit, & dont les tableaux avoient rarement plus d’un pied de hauteur, employoit quelquefois cinq jours à faire une main ; il avoua lui-même à Sandrart qu’un manche à balai lui avoit couté trois jours de travail. Pour que la propreté qu’il cherchoit dans ses ouvrages ne fût altérée par aucun accident, il avoit soin de les renfermer au moment où il les quittoit, & avant de les reprendre quand il retournoit à son cabinet, il restoit quelques temps immobile jusqu’à qua ce que la poussière ta plus subtile qu’il avoit excitée par son mouvement pût être tombée. C’étoit alors qu’il retiroit d’une boete, avec précaution, son tableau, ses pinceaux, sa palette. Aucun ouvrier n’auroit pu lui faire des pinceaux assez parfaits ; il les faisoit lui-même ; aucun éléve, aucun domestique n’auroit pu broyer ses couleurs assez fines ; il étoit son propre broyeur. Il faisoit tout d’après nature : & pour suivre les contours des objets, & rendre leurs proportions avec plus d’exactitude, il les regardoit à travers un treillage de soie composé d’un certain nombre de carreaux & le même nombre de carreaux étoit tracé sur la toile. Par ce moyen, il plaçoit ce qu’il voyoit dans le carreau du treillage sur le carreau correspondant de sa toile ; ainsi il dessinoit aux carreaux d’après nature ; moyen qu’on employe ordinairement pour réduire, avec la plus grande précision, des tableaux ou des dessins. Il se servoit aussi d’un miroir concave qui lui représéntoit l’objet plus petit que la nature.

Il fit d’abord le portrait en petit ; mais son extrême lenteur impatientoit les modèles. Lui-même se lassa d’avoir deux objets à se proposer ; celui de faire ressembler, & celui de bien peindre ; l’un le distrayoit de l’autre ; il se consacra donc à représenter des objets de la vie commune. « Cet artiste, dit M. Descamps, est un des peintres hollandois qui ait le plus fini ses tableaux. Tout y est précieux, flou & colorié suivant les tons de la nature. Sa couleur n’est point tourmentée par le travail ; rien n’y est fatigué. Une touche fraîche & pleine d’art, y voile le soin le plus pénible. Ses tableaux conservent autant de vigueur de loin que de près. » On sent bien, d’après ce que nous avons dit de sa manière d’opérer, qu’il ne faut pas y chercher la chaleur.

On sait que Gérard Douw a cessé de vivre dans la même ville où il avoit pris naissance ; mais on ignore l’année de sa mort. Il vivoit encore en 1662.

On voit au cabinet du roi trois tableaux de ce maître, & cinq au palais-royal. Tout le