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cendans le droit exclusif de régner. Il en est donc d’une couronne successive comme de ces biens qui, dans les familles particulières, sont substitués, & dont aucun possesseur ne peut disposer au préjudice de ses descendans, ou des successeurs compris dans la substitution. Les princes qui possèdent un état successif, c’est-à-dire, dans lequel la succession à la couronne a été réglée par une loi constitutive, ne peuvent faire aucune disposition au préjudice de leurs successeurs, institués de droit comme eux par là mêrne loi. Ils sont économes, administrateurs, usufruitiers d’un bien qui doit passer après eux aux princes de leur sang, suivant la ligne de succession ; celui qui succède ne tient rien de son prédécesseur ; il n’en est pas l’héritier, il n’en est que le successeur. Il tient la couronne de la disposition de la loi, qui la lui confie pour la transmettre de la même manière à celui que la loi désigne pour lui succéder.

Si le souverain aliène sa souveraineté sans le consentement du peuple, ce peuple n’est tenu de se soumettre à la domination du prince à qui on la cède, en violant la loi constitutive de l’état, qu’après lui avoir prêté serment de fidélité. Mais dès qu’il a prêté serment de fidélité à son nouveau monarque, il ratifie par cet acte la translation de la souveraineté, & il ne peut violer son serment.


Section IIe.
L’intervention du peuple est-elle nécessaire à tout démembrement d’un état ?

Il paroît que tout démembrement d’un état a besoin du consentement du prince, de celui de la nation, & de celui des habitans du pays qu’on veut aliéner.

Ce dernier consentement est encore plus nécessaire que les deux autres ; ceux qui ont formé les sociétés civiles, ou qui se sont rendus sujets d’un état déja formé, se sont engagés les uns envers les autres à ne reconnoître qu’un seul & même gouvernement, tant qu’ils voudroient obéir au même souverain. D’après cette convention, chacun des sujets ne peut être banni ou soumis à une domination étrangère, à moins qu’il n’y soit justement condamné. La même convention a donné à tous les citoyens en général, un droit sur chaque particulier, en vertu duquel les individus, ne peuvent se soumettre à un gouvernement étranger, ni se soustraire à celui de l’état.

C’est par l’intention de ceux qui ont fondé les corps politiques, qu’il faut juger du pouvoir de tout le corps sur chacune de ses parties : or on ne sauroit présumer que les fondateurs des sociétés civiles aient voulu accorder à ce corps le droit de retrancher à son gré quelques-unes de ses parties.


Section IIIe.
La nécessité résultant de la guerre, peut-elle autoriser une partie du peuple à passer sous la domination du vainqueur ?

Lorsque l’état ou une portion de l’état se trouve dans un péril extrême ; lorsqu’une partie du peuple est réduite à se soumettre à une nouvelle domination, on peut suivre la loi que la nécessité impose. Dans toutes les conventions, on excepte toujours, sinon expressément au moins tacitement, le cas d’une extrême nécessité qui donne droit à chacun de sortir de l’embarras où il se trouve. Blâme-t-on une ville qui, après s’être défendue autant qu’il a été possible, se rend à l’ennemi plutôt que de se laisser saccager ?


Section IVe.
La même nécessité autorise-t-elle un prince à l’aliénation de ses états, & avec quelle réserve doit-il la faire ?

Si un roi est réduit à la nécessité de faire la paix avec un ennemi plus puissant, qui l’oblige à lui céder une partie de ses états dont les habitans ne veulent pas changer de maître, il paroît qu’il doit retirer ses garnisons & ses troupes, pour empêcher qu’elles ne tombent sous le joug du vainqueur ; mais qu’il ne peut forcer les habitans à reconnoître pour leur souverain le prince étranger : que s’ils sont assez forts pour résister à ce prince étranger & se former un état indépendant, ils sont les maîtres d’en courir les risques. Le prince qui a fait une cession, est, de sa part, privé de tout droit à la chose cédée ; & il perd tout droit sur ce pays. J’ajouterai que le vainqueur n’en devient le légitime souverain, que par le serment de fidélité des habitans.


Section Ve.
Un roi peut-il rendre féudataire le royaume successif, remettre un hommage qui est dû à son état, ou aliéner le domaine ?

Il suit des principes établis ci-dessus, qu’il n’est pas permis au roi de se rendre féudataire de quelqu’autre prince, un royaume non patrimonial, sans le consentement du peuple.

Que le peuple peut, par la même raison, revendiquer un hommage que le roi a cédé, de sa seule autorité, à un vassal du royaume.

Que le prince ne peut, sans l’approbation du peuple, & sur-tout sans le consentement du pays dont il est question, engager une partie de ses états ; qu’il le peut encore moins, si l’engage-