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soire, les Indes attirent toujours l’Espagne à elles.

« D’environ cinquante millions de marchandises qui vont toutes les années aux Indes, continue Montesquieu, l’Espagne ne fournit que deux millions & demi »  : les Indes font donc un commerce de cinquante millions, & l’Espagne de deux millions & demi.

C’est une mauvaise espèce de richesse qu’un tribut d’accident, & qui ne dépend pas de l’industrie de la nation, du nombre de ses habitans, ni de la culture de ses terres. Le roi d’Espagne, qui reçoit de grandes sommes de sa douane de Cadix, n’est à cet égard qu’un particulier très-riche dans un état très-pauvre. Tout se passe des étrangers à lui, sans que ses sujets y prennent presque de part. Ce commerce est indépendant de la bonne & de la mauvaise fortune de son royaume.

Si quelques provinces de la Castille lui donnoient une somme pareille à celle de la douane de Cadix, sa puissance seroit bien plus-grande : ses richesses ne pourroient être que l’effet de celles du pays ; ces provinces animeroient toutes les autres, & elles seroient toutes ensemble plus en état de soutenir les charges respectives ; au lieu d’un grand trésor on auroit un grand peuple.

Nous n’examinerons pas ici si la découverte de l’Amérique, & la révolution qu’elle a opérée dans la politique & le commerce du monde entier, sont un malheur pour l’Europe. Cette question, proposée par une académie de l’Europe, exigeroit des détails qui ne peuvent entrer dans un Dictionnaire.

AMIRAL [1], commandant en chef des flottes & armées navales.

On dit que le mot amiral vient de l’arabe amir, ou plutôt emir, qui signifie seigneur, gouverneur ou chef des armées.

Il y avoit autrefois en France un amiral du Ponent, & un amiral du Levant. Ces deux charges ont été réunies.

Dans plusieurs états de l’Europe, si l’amiral en charge ne commande pas une flotte, l’officier qui la commande en son absence, prend ce titre, qui n’est alors qu’accidentel.

L’amiral d’Arragon, ceux d’Angleterre, de la Hollande & de Zélande, n’ont cette dignité que par commission. En Espagne, on dit l’amirante ; l’amiral n’y est que le second officier ; il a un général au-dessus de lui.

Les anglois traitent d’amiral le commandant de chaque flotte qui est en mer. Mais le titre cesse pour celui qui le porte, quand la flotte qu’il commande est désarmée.

Lorsque les principales forces de ce royaume sont réunies, l’armée se divise en trois escadres, qu’on distingue par la couleur du pavillon.

La première des trois est l’escadre rouge ; la seconde est l’escadre blanche ; & la troisième l’escadre bleue. Le Dictionnaire de marine doit donner de plus grands détails sur ce point.

En France, il n’y a jamais qu’un amiral. Les commandans des flottes ne sont appellés que commandans, même en l’absence de l’amiral. Les vice-amiraux, dont nous parlerons tout-à-l’heure, peuvent être maréchaux de France, ou sont au moins lieutenans-généraux ; au-dessous de ces lieutenans-généraux sont les chefs d’escadres. On a créé ces deux dernières dignités à peu près à la même époque que celles des lieutenans-généraux, & des maréchaux de camp de terre.

Les sarrasins donnèrent les premiers le titre d’amiral aux capitaines & généraux de leurs flottes.

Il est au pouvoir de l’amiral ou commandant d’une armee navale, de prescrire des loix aux officiers, aux équipages de la flotte, & à tous ceux qui sont au service. Il les donne par écrit, & on lui prête serment de les observer.

L’amiral ne fait ordinairement le signal de mettre à la voile, que lorsque la première ancre de son vaisseau est levée, & que le cable de la seconde est déjà au cabestan.

S’il survient des choses extraordinaires, dont les avis ne peuvent être donnés par des signaux, l’amiral fait porter ses ordres par de petits bâtimens, qu’il a toujours auprès de son vaisseau pour cet effet ; ou bien il fait le signal à tous les vaisseaux de passer à son arrière, où il leur explique lui-même ses intentions.

Lorsque l’armée court sur l’ennemi, l’escadre de l’amiral se tient au milieu, & fait le corps de bataille, soit qu’on marche en ligne, à la file ou en croissant. Cette dernière forme est en général la plus avantageuse, parce qu’elle donne lieu à tous les vaisseaux d’entrer en action.

Quand l’armée marche vent arrière, le vice-amiral se tient à stribord de l’amiral, & le contre-amiral, ou le troisième général, à bas bord. Si on va à la bouline, les escadres se suivent en queue, & l’amiral tient presque toujours le milieu ; il se met quelquefois à l’avant-garde. Si l’ennemi se montre à l’arrière, ou si quelqu’autre raison oblige de revirer de bord, afin d’éviter le désordre qui arriveroit sans doute, si les vaisseaux de l’avant vouloient venir à la place de ceux de l’arrière, l’arrière-garde revire la première, & devient l’avant-garde.

Du grand amiral de France. Quoique tous les officiers généraux & autres, de guerre ou de finance, employés dans la marine, aient des brevets du roi, ils ont besoin de l’aveu du grand amiral. On a créé une compagnie de gentislhommes appellée

  1. Le Dictionnaire de Jurisprudence parle des droits & des privilèges de l’amiral de France, & j’y renvoie le lecteur.