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que Jacques II quitta son royaume, sans avoir pourvu à l’administration des affaires de l’Angleterre pendant son absence, le parlement regarda cette fuite comme une abdication qui laissoit la nation libre de choisir un autre roi, & de lui imposer de nouvelles conditions. Henri III, sorti clandestinement de Pologne pour venir s’asseoir sur le trône de ses ancêtres, prétendit en vain conserver sa première couronne, & être à la fois roi de France & de Pologne : il n’en put garder que le titre. Les polonois déclarèrent leur trône vacant, & ils procédèrent à l’élection d’un nouveau roi.

Ainsi, dans le droit public, il y a telles démarches d’un souverain qui équivalent à une abdication, quoiqu’on n’en puisse pas inférer une volonté déterminée de renoncer a la couronne.

Les exemples d’abdication formelle & solemnelle sont en plus grand nombre. David, dans sa vieillesse, céda sa couronne à son fils Salomon.

Ozias ou Azarias, frappé de lèpre, descendit du trône pour y faire monter son fils Joatham.

Héraclite abdiqua la principauté d’Éphèse.

Artaxerxès Memnon, roi de Perse, prévoyant que ses enfans se disputeroient son trône après sa mort, céda l’empire à Darius, l’un d’eux, pour faire cesser les prétentions des autres.

Ptolomée Lagus, fondateur de la nouvelle monarchie d’Égypte, renonça à ses états en faveur de Ptolomée Philadelphe, le plus jeune de ses fils.

L’abdication est aussi forcée ou volontaire. On ne veut pas citer ici tous les rois ou empereurs qui ont abdiqué forcément, comme Dioclétien, Alphonse VI, roi de Portugal, Auguste II & Stanislas I, rois de Pologne ; ou volontairement, comme Jean, roi d’Arménie, l’empereur Lothaire I, Jean Casimir, roi de Pologne, Don Alphonse I & Don Alphonse IV, rois de Léon ; Amurat II qui, après avoir abdiqué deux fois l’empire ottoman, fut rappellé deux fois au gouvernement par les vœux du peuple, & mourut sur le trône.

Les abdications volontaires les plus éclatantes dont parle l’histoire moderne, sont celles de Charles-Quint, de Christine, reine de Suéde, de Philippe V, roi d’Espagne, & de Victor-Amedée II, roi de Sardaigne. Nous allons en dire un mot.

Abdication de l’empereur Charles-Quint. Il semble que, dès l’an 1542, Charles-Quint avoit formé le projet d’abdiquer ; du moins, quelques historiens rapportent qu’en visitant le monastère de Saint-Just en Espagne, il dit : « Voilà un beau lieu pour la retraite d’un autre Dioclétien » ; comme s’il eût dès-lors pensé à imiter cet empereur romain, qui, après avoir gouverné l’empire avec beaucoup de prudence & d’équité, pendant vingt ans, avec son collègue Gallere-Maximien, descendit du trône à la persuasion de celui-ci, & passa le reste de ses jours à Salone en Dalmatie, dans les douceurs de la vie champêtre. Quoiqu’il en soit, en 1555, Charles-Quint fit venir à Bruxelles Philippe son fils ; il le créa en présence des états du pays, chef de l’ordre de la Toison-d’or le matin du 24 novembre ; & l’après-midi du même jour, il se démit en sa faveur de la couronne d’Espagne, de ses États des Pays-bas, & de tous les royaumes & provinces dépendans de la même couronne. « Je fais, dit-il à Philippe, une chose dont l’antiquité fournit peu d’exemples, & qui n’aura pas beaucoup d’imitateurs… Vous réussirez dans toutes vos entreprises, si vous avez toujours devant les yeux la crainte du maître de l’univers, si vous protégez avec zèle l’église catholique, & si vous faites observer inviolablement la justice & les loix qui sont la base & le fondement des états. Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter des fils, tels que vous puissiez leur céder l’administration de vos Provinces. Lorsque je considère un fils que j’aime tendrement, ce n’est pas sans raison que je plains son sort ».

Charles, qui plaignoit le sort d’un fils à qui il remettoit le gouvernement pénible de tant d’états, essaya néanmoins d’engager Ferdinand, roi des romains, son frere, à renoncer à ce titre en faveur de Philippe ; il ne put en venir à bout, & il se détermina en 1556 à céder la couronne impériale à Ferdinand. Après cette double abdication, Charles se retira dans le monastère de Saint-Just, de l’ordre des Hiéronimites, dans la province d’Estramadure, où il mourut en 1558.

Abdication de Christine, reine de Suéde. Christine, reine de Suéde, médita long-temps le projet d’abdiquer. En 1650, elle déclara pour son successeur le prince Charles-Gustave son cousin ; &, dès l’année suivante, elle résolut de lui remettre la couronne. Gustave s’efforça de l’en dissuader ; Christine insista, & proposa son abdication, dans l’assemblée des états. Cette proposition fut mal reçue. Tous les ordres firent des remontrances à la reine, & elle crut devoir céder pour un temps à leurs sollicitations, & garder un trône dont les devoirs s’accordoient mal avec son goût pour l’étude, ou plutôt pour l’indépendance.

L’aversion de Christine pour les affaires croissoit tous les jours ; elle montroit de l’humeur & de la colère presque toutes les fois qu’elle avoit à travailler avec ses ministres. Sa négligence occasionnoit déjà quelques désordres dans l’administration. Les finances s’épuisoient aussi par ses prodigalités excessives. Elle étoit fatiguée des honneurs qu’on lui rendoit, parce qu’ils lui rappelloient ses devoirs. Les états la pressoient vivement de se marier, & elle ne vouloit point se donner de maître. On desiroit qu’elle épousât Charles-Gustave, elle ne l’aimoit pas. Elle assembla les sénateurs à Upsal, le 11 de Février 1654, &