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essuyé de périls pour soutenir cette cause, demeurera sans doute dans la mémoire des hommes & dans les fastes du monde. Cependant ces efforts & ces travaux n’ont pas suffi pour surmonter les obstacles qui s’opposoient à la prospérité de notre royaume, & pour faire cesser les maux & les calamités, sous le poids desquelles la patrie gémissoit, ce qui nous touchoit & pénétroit encore plus vivement : c’est pourquoi, ne prenant pour conseils que ces tendres mouvemens d’affection qui nous attachent à l’illustre nation polonoise, nous avons résolu de préférer le repos de la patrie à tout l’éclat du trône ; car l’amour dont nous sommes pénétrés pour elle, a été plus en nous que tous autres sentimens : & nous n’aurions jamais pris la résolution de nous séparer de cette nation, s’il n’avoit été en même-temps abondamment pourvu à la conservation & au maintien des privilèges, libertés & droits d’une nation qui a si parfaitement mérité de nous, & principalement à la libre élection des rois. Les périls que nous avons courus, tendoient uniquement à ce but ; c’étoit aussi l’objet de nos travaux & de nos soins, & l’événement a en effet répondu pleinement à nos justes desirs, puisque non-seulement, suivant les articles préliminaires de la paix, convenus entre sa majesté impériale & sa majesté très-chrétienne, les libertés du royaume de Pologne, & les droits, biens & honneurs des citoyens qui nous étoient attachés, sont conservés en leur entier à tous égards ; mais aussi, conformément à ces mêmes articles préliminaires de la paix, chacun de ces points est muni des garanties des principaux princes de l’Europe. Comme donc il n’y a plus rien à desirer pour la gloire du roi très-chrétien & pour les avantages du royaume de Pologne, il nous a paru que, s’il restoit encore quelque chose à faire, c’étoit que, par un effet de notre tendre affection pour la patrie, nous nous portassions à faire à sa tranquillité le sacrifice de ce qui nous concerne personnellement ; & étant bien persuadés que si les choses ne sont pas en situation que nous puissions vivre avec nos freres, la mémoire d’un si grand sacrifice ne s’effacera néanmoins jamais de leur esprit, & qu’elle aura & qu’elle conservera la place qu’elle doit avoir dans les archives de la nation : à ces causes & autres justes considérations, de notre volonté pleine & absolue, & avec une entiere liberté, nous avons résolu de céder & renoncer au royaume de Pologne, au grand-duché de Lithuanie & aux provinces de leur dépendance, comme aussi à tous droits & prétentions qui, soit par le droit de notre élection, soit par tout autre titre quelconque nous appartiennent, ou peuvent jamais nous appartenir sur ledit royaume, le grand-duché de Lithuanie & les provinces de leur dépendance ; & en conséquence, d’absoudre tous les ordres de la république de Pologne, & tous & un chacun des habitans de Pologne & de Lithuanie de l’obéissance qu’ils nous avoient prêtés ; comme en vertu du présent diplôme, nous cédons & renonçons en la forme la plus solemnelle & la plus valide que faire se peut, de notre mouvement, de notre plein gré, & sans la moindre violence ni contrainte, au gouvernement & à tous droits & prétentions qui appartiennent, ou qui peuvent jamais nous appartenir, par quelque cause que ce soit, sur le royaume de Pologne, le grand-duché de Lithuanie & les provinces de leur dépendance, absolvant tous les ordres & membres de la république, de l’obéissance & serment qu’ils nous avoient prêtés, &c. &c.

« Donné à Konigsberg en l’année 1736, le 27e janvier, la troisième année de notre regne. Stanislas, roi ». (L. S.)

Abdication de Pierre III, empereur de Russie. La révolution qui a fait passer la couronne du Russie sur la tête de Catherine II, offre une grande leçon aux princes qui se croient les plus-absolus. Les nations gouvernées despotiquement, retirent quelquefois la puissance souveraine des mains d’un maître qui en abuse pour en revêtir un sujet plus digne : detur digniori. Pierre le Grand n’avoit-il pas écrit ces mots sur son sceptre, en caractères assez lisibles, lorsqu’il établit que ses successeurs pourroient disposer du trône par testament ? Les despotes désignent en vain leurs successeurs ; les peuples ne sont pas tenus d’obéir en silence & de respecter cet arrangement arbitraire. Il existe un droit naturel, obligatoire pour tous les hommes, & indépendant de tout etablissement humain ; & ce droit, s’il oblige le sujet à être fidele à son maître, oblige aussi le souverain à protéger le sujet, & à lui rendre justice. Si le souverain manque à ses devoirs, le sujet ne se trouve-t-il pas affranchi des siens ? D’après ce principe, la dernière révolution de Russie fut légitime. Ce pays étoit menacé des plus grands malheurs sous le règne de Pierre III, & l’on ne peut pas regretter que le sceptre ait passé dans les mains d’une princesse juste & bienfaisante, qui se montra digne du trône avant d’y monter, & qui s’en montre encore plus digne depuis qu’elle l’occupe.

Le manifeste qu’elle publia rend un compte circonstancié de ce grand événement, & contient l’acte d’abdication, par lequel Pierre III renonça pour toujours au trône de Russie. Ce manifeste est si curieux & si intéressant que nous croyons devoir le rapporter.

Manifeste de sa majesté impériale Catherine II, Impératrice de toutes les Russies, publié le 6 juillet 1762.

« Catherine II, impératrice & souveraine de toutes les Russies, &c.